La cathédrale orthodoxe
russe Saint-Nicolas, Nice

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La Cathédrale Saint Nicolas, plus connue sous le nom de cathédrale russe de Nice est un édifice religieux réputé pour la  splendeur de son architecture et la magnificence de ses offices religieux  célébrés selon le rite orthodoxe (religion chrétienne orientale). Construite entre 1903 et 1912, elle est l’un des édifices orthodoxes russes des plus grandioses jamais construits en dehors de Russie. L’intérieur de la cathédrale abrite près de 300 icônes pieuses. Celle-ci est classée au titre des Monuments Historiques depuis 1987, et labéllisée Patrimoine du XXe siècle.

Contexte historique

À partir de 1856, les membres de la famille impériale russe, ainsi qu’un grand nombre de familles aristocratiques, prirent l’habitude d’effectuer des séjours prolongés à Nice durant la saison hivernale. L’Impératrice Alexandra Feodorovna, veuve du Tsar Nicolas Ier invoquait officiellement des raisons de santé, mais officieusement ses raisons étaient diplomatiques. En effet, le Tsar Alexandre II avait le projet d’établir une base navale militaire et commerciale à Villefranche-sur-Mer. Très rapidement, la tsarine décida de faire édifier une église de rite orthodoxe à Nice, inaugurée en 1859, pour accueillir toutes les familles russes en villégiature sur la Côte d’Azur. Lors d’un séjour à Nice (villa Bermond  en 1865) le Tsarévitch Nicolas, âgé de vingt ans, fils du tsar Alexandre II, mourut d’une tuberculose osseuse. Après avoir acheté le terrain et rasé la villa, le tsar fit bâtir en 1867 une chapelle commémorative à l’emplacement exact de la chambre où le jeune prince héritier rendit son dernier soupir.

Trente ans plus tard, la colonie russe étant devenue très importante, l’église de la rue Longchamp s’avérait désormais trop petite. En 1896, Marie Féorodovna, veuve de l’Empereur Alexandre III, eut le désir de faire construire à Nice une nouvelle église. Une commission se mit alors en quête d’un terrain pour la construction de cette nouvelle église. Une parcelle fut acquise en 1901 dans le quartier des Musiciens, rue Verdi. L’établissement des plans fut confié à l’architecte Mikhaïl Préobrajensky, professeur à l’académie impériale des Beaux-Arts de Saint-Pétersbourg et qui venait de terminer l’église orthodoxe russe de Florence. Le chantier débuta rapidement mais fut abandonné malheureusement en 1902 car le terrain, trop humide, ne permettait pas la construction d’un édifice aussi lourd.

Le Tsar Nicolas II céda alors à titre gracieux un terrain sur sa propriété personnelle du parc Bermond pour y construire, tout près de la chapelle commémorative du tsarévitch Nicolas, la cathédrale russe orthodoxe de Nice.

Le chantier initié dès 1903, fut suivi par Mikhaïl Préobrajensky depuis Saint-Pétersbourg, et dirigé sur place par une succession d’architectes locaux. Le gros œuvre a été réalisé par une main d’œuvre locale mais pour la décoration extérieure, des entreprises réputées pour l’excellence de leur travail ont été choisies dans toute l’Europe. Les travaux ont duré près de dix ans car de nombreux événements comme la guerre russo-japonaise et la crise financière qui en résulta, ont eu pour conséquence d’interrompre le chantier sur plusieurs années.

Origines

L’édifice a été construit selon les plans de Préobrajensky, sur le modèle des églises russes (fin XVIe, début XVIIe siècle).  L’église russe de Nice, comme celles de San-Remo ou de Florence, partagent en effet, la même référence au modèle du XVIIe siècle, dite de la période Romanov. Cette période débute en 1613 lorsque Mikhaïl Fiordorovitch devenu tsar, fonde la dynastie Romanov. Débute alors une période de paix, qui correspond également au développement d’une architecture nouvelle, qui se caractérise par le recours au plan à cinq coupoles, une richesse et une diversité des formes, une profusion ornementale, l’emploi massif de la polychromie, l’étagement des chatiors, (pyramide élancée généralement octogonale) et des Kokochniki (arcs en encorbellement qui s’inspirent des coiffures traditionnelles russes) et l’emploi systématique des Bulbes.

Parmi les édifices réalisés durant cette période, la cathédrale Basile-le-bien-heureux, à Moscou, constitue sans doute l’exemple le plus célèbre, qui inspira de nombreuses réalisations, y compris la cathédrale de Nice.

L’architecture de l’église

La cathédrale adopte la forme d’une croix grecque avec un volume central. Cinq coupoles (qui symbolisent le Christ et les quatre évangiles) sont érigées, une centrale, haute de 52 mètres, accompagnée de quatre autres plus petites disposées sur chaque angle.  

Ce corps central cubique est recouvert d’un parement de briques (sur une structure en béton)  et couronné  par deux rangées de kokoschnikis. Sur chaque côté, la façade est animée par une triple arcature coiffée  de lobes richement décorés par des majoliques. Aux quatre coins de la partie supérieure, de petits volumes cylindriques aveugles appelés tambours sont coiffés de coupoles bleu-vert en forme de bulbe, elles-mêmes  surmontées de croix étincelantes  (cuivre rouge recouvert de feuilles d’or fin). Le tambour central plus élancé est percé d’ouvertures en fente qui ont pour fonction d’inonder  l’intérieur de la cathédrale d’une lumière « divine ».

Une tour avec son clocher, véritable dentelle de pierre et de marbre, fait  la charnière entre les différents volumes.   A mi-hauteur de la façade, la mosaïque représentant la Sainte Face du Sauveur est protégée par un auvent bordé d’un ornement en cuivre ajouré, finement ciselé et doré. Le clocher comporte des ouvertures sous forme d’arcades richement sculptées rehaussées de majoliques aux ondulations orientalisantes, deux d’entre-elles comportent des balcons en saillie. Au-dessus d’une double couronne de kokochnikis disposés en nid d’abeille, le tambour est coiffé d’une coupole aux écailles dorées, surmonté de sa croix dorée.

Le clocher est flanqué de deux porches symétriques d’une richesse décorative remarquable,  comportant deux colonnes trapues en granit rose posées sur des socles de pierre blanche et encadrés par les escaliers. Sur chaque côté, les trois petites arcades sont ornées d’un pendentif sculpté. Les toitures pyramidales à nervures dorées sont rehaussées de tuiles de couleur et surmontées de l’aigle bicéphale recouvert de feuilles d’or symbolisant la Russie impériale. La présence de deux porches s’explique par le fait que l’église devait être initialement construite à l’angle de deux rues dans le quartier des musiciens. Malgré le changement de lieu et le manque de justification fonctionnelle des porches, le plan sera conservé et adapté au site de la villa Bremond.

La combinaison harmonieuse des volumes  produit  une silhouette élégante, avec une touche d’exubérance très caractéristique de l’architecture religieuse russe et démontre une parfaite maitrise des proportions.

Techniques et matériaux

La base de l’édifice, d’aspect granuleux, est réalisée en calcaire blanc et dur provenant de La Turbie. 

Les façades, initialement composées de rangées de blocs de pierre de taille lisses en calcaire semi dur de Lens, ont un revêtement de briques industrielles brun-orangé provenant d’Allemagne plaqué par-dessus. (Les deux principaux bâtiments niçois réalisés en briques sont la gare P.L.M construite 1865 après l’annexion du comté de Nice à la France - de style Louis XIII, elle participe à la francisation de l'espace urbain – et la poste Thiers bâtiment austère de style Art Déco construit en 1931).

Les ouvertures en plein cintre (arc formant un demi-cercle parfait) sont ourlées par une ornementation complexe ciselée sur place par des tailleurs de pierre italiens réputés pour l’excellence de leur savoir-faire.

La texture mate de la pierre blanche contraste avec la brillance des carreaux de faïence et des majoliques aux tonalités bleu-vert qui enjolivent les façades. La majolique est une terre cuite recouverte d'émail en relief qui crée des jeux d’ombres intéressants (faïence italienne de la Renaissance, initialement inspirée de la céramique hispano-mauresque, très en vogue en Italie aux XVIe  et XVIIe siècles).

Le corps central de l’église et les cinq coupoles ou bulbes qui la couronnent sont en béton armé ainsi que les fondations sur lesquelles repose le bâtiment. (Le béton, rarement utilisé à l’époque en particulier pour les lieux de culte, connaîtra son apogée à Nice quelques années plus tard avec les églises  Notre-Dame-Auxiliatrice et  Jeanne- d’Arc toutes deux  entièrement réalisées en béton  qualifié d’« esthétique »).

La charpente métallique des bulbes reposant sur les structures en béton armé, est destinée à supporter la couverture de tuiles vernissées en forme d’écailles. Elle atteste du développement de la construction industrialisée qui a  remplacé l’utilisation du bois durant le XIXe siècle (La coupole de l’observatoire de Nice réalisée en 1883 par Gustave Eiffel est un bel exemple d’ossature métallique.)

Les tuiles vernissées ont des motifs géométriques en croix et une palette de couleurs à trois tons : vert-bleu clair, vert foncé, doré. Le système d’accrochage sur la charpente en fer  s’effectue à l’aide de fils de cuivre non sujets à la corrosion.

Pour éviter toute trace de ruissellement sur les façades, les conduits recueillant  les eaux de pluie sont ingénieusement encastrés dans la maçonnerie en béton des coupoles, ou cachés par les galons en cuivre doré finement ciselés des porches.

Conclusion
Après différentes péripéties, la construction de la cathédrale est finalement achevée dans le respect de l’architecture originelle et inaugurée le 17 décembre 1912.
L’architecte a su répondre avec talent à la demande de la communauté russe de Nice de mettre en œuvre, dans son édifice, toutes les caractéristiques d’un art sacré national, qui s’appuie sur les modèles russes du passé. Il évite ainsi pastiche ou stéréotype architectural, et réussit à l’adapter à l’environnement local ainsi qu’aux techniques de son époque.
La cathédrale constitue un des plus importants édifices de ce type jamais construit en dehors de Russie, et l’un des sites les plus visités de Nice.

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