Le jardin Serre de la Madone à Menton

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À plusieurs kilomètres de la mer, à l'écart de l'agitation littorale, le jardin Serre de la Madone se dissimule dans le val de Gorbio. Installé sur les pentes d'une colline abrupte dont le sommet est encore couvert d’une forêt, il présente une exceptionnelle collection végétale, entreprise dans la première moitié du XXe siècle par un chasseur de plantes et régulièrement enrichie depuis une quinzaine d’années. Un des joyaux de Menton, « ville des jardins ».

Un paysage agricole transformé

Américain naturalisé britannique, d’une famille fortunée, le Major Lawrence Johnston décide en 1924 de s’installer dans le sud de la France à Menton. Il a précédemment créé le jardin de Hidcote Manor en Angleterre dans les Cotswolds et souhaite bénéficier d’un climat plus clément pour acclimater des végétaux exotiques. Il acquiert successivement plusieurs propriétés agricoles, au total une dizaine de parcelles de superficies variées, initialement vouées à la culture des agrumes, des oliviers ou à l’horticulture. Cela lui permet de constituer une propriété d’un seul tenant qui occupe tout un versant de colline. Son terrain se prolonge même jusqu’à la crête, appelée « serre » en provençal, qui donne son nom au lieu.

Le jardin possède, aujourd’hui encore, plusieurs témoignages de son passé. Tout d’abord les anciennes fermes : la plus importante devient la maison principale après sa transformation par Johnston qui lui adjoint deux pavillons de part et d’autre du corps central ; une autre, baptisée Casa Rocca, sert à héberger les invités. Le terrain conserve également ses restanques, indispensables pour retenir la terre et cultiver à l’horizontale, mais aussi certains végétaux à vocation agricole  ainsi que des aménagements hydrauliques – canalisations, bassins, citernes – complétés par le Major.

Avec l’aide de nombreux jardiniers et maçons, Johnston aménage son jardin où il passe tous les hivers jusqu’au début de la guerre. En 1948, il retrouve son domaine ravagé mais le remet en état et s’y installe définitivement jusqu’à son décès en 1958. Les propriétaires suivants préservent l’essentiel de la structure mais laissent les lieux se dégrader progressivement. Menacé par la spéculation immobilière, le jardin est acheté en 1999 par le Conservatoire du Littoral après avoir été classé au titre des Monuments historiques. Une restauration est alors entreprise : Johnston n’ayant pas laissé d’écrits, elle vise à respecter l’esprit de son œuvre en se fondant sur des témoignages et quelques photographies d’époque.

Entre nature et structure

De composition assez complexe, parfois déroutante pour les visiteurs contemporains, Serre de la Madone se découvre pleinement depuis la maison principale ou le belvédère à glycine qui offrent des perspectives plongeantes et constituent des points de vue majeurs. Cette composition repose sur un principe assez classique qui consiste à créer des aménagements formels près de l’habitation, pour faire écho à l’architecture, puis à laisser progressivement plus de liberté aux plantations et plus de souplesse au tracé, pour assurer une transition avec le paysage.

Installée à la lisière de la forêt, la maison principale s’ouvre sur un jardin structuré autour d’un axe en T constitué par la façade du bâtiment et un escalier de pierre perpendiculaire qui descend jusqu’à un vaste bassin situé cinq niveaux plus bas. On y trouve les réalisations les plus architecturées, le jardin d’eau ou encore le jardin des Platanes, véritable jardin « à la française » avec des carrés de buis installés dans une chambre de verdure. Situé juste à l’arrière du bâtiment, le jardin d’inspiration mauresque est également très formel avec sa loggia décorée d’azulejos et son petit bassin.

Plus loin prédomine une impression de liberté que conforte encore l’absence d’itinéraire dominant. Les terrasses de culture, de hauteur et de largeur variables pour suivre les courbes de niveau, sont reliées les unes aux autres par des accès multiples, souvent sinueux, et participent à la transition avec la nature environnante. La végétation foisonne dans une ambiance de sous-bois. Toutefois, le parcours est ponctué d'éléments visuellement forts : des statues, des fontaines et surtout une pergola couverte de lianes grimpantes - clématites et glycines - qui surplombe une des nombreuses allées horizontales du jardin.

Exotisme et couleur locale

Grand chasseur de plantes, Johnston participe, entre 1927 et 1931, à plusieurs voyages de prospection en compagnie de botanistes : ils le conduisent en Afrique du Sud, en Afrique de l’Est et en Asie. Les végétaux, rapportés de ces voyages, s’adaptent facilement au climat privilégié de Menton qui leur offre des températures clémentes et une forte humidité atmosphérique, dans une ambiance véritablement subtropicale. Par ailleurs, le jardin, éloigné des embruns maritimes et abrité des vents froids par le cordon montagneux qui ferme le val de Gorbio, présente un microclimat particulièrement favorable.

Soucieux d’éviter les compositions végétales trop tape-à-l’œil, Johnston intègre ses nouvelles plantations à la végétation indigène préexistante d’oliviers, de cyprès et de pins parasol. Il proscrit même le palmier pour ne pas dénaturer le paysage méditerranéen qui entoure Serre de la Madone. L’exotisme s’invite toutefois partout ; dès la cour d’entrée, le visiteur peut admirer quatre arbres qui rappellent les expéditions botaniques du Major : Quercus leucotrichophora, un chêne persistant de l’Himalaya, Calodendrum capense à la splendide floraison rose, originaire d’Afrique australe, Podocarpus falcatus  et Podocarpus henkelii, tous deux également venus d’Afrique.

Partout ailleurs, des essences rares se sont acclimatées, participant à la richesse extraordinaire des plantations, régulièrement complétées depuis la restauration des lieux. Aujourd’hui, Serre de la Madone présente de superbes collections végétales : ainsi en est-il de la famille des Araliacées ou de celle des Protéacées, mais aussi des genres Pittosporum, Salvia, Mahonia, Melaleuca, Banksia, Acacia, Viburnum, Arbutus… parmi d’autres.

Vocabulaire
  • Chambre de verdure : partie d'un jardin délimitée par des haies constituées de végétaux persistants.
  • Conservatoire du Littoral : Etablissement public administratif qui assure la protection des littoraux français.
  • Famille (végétale) : Dans la classification scientifique des espèces, une famille est divisée en  genres eux-mêmes divisés en espèces.
  • Genre (végétal) : voir « famille »
  • Jardin à la française : Jardin régulier développé au XVIIe siècle en France et illustré, en particulier, par les réalisations d'André Le Nôtre. L'expression (entre guillemets) est souvent utilisée pour désigner un jardin formel avec des buis taillés.
  • Jardin mauresque : Jardin d'origine orientale introduit en Espagne par les Maures, il se veut l'image du paradis.
  • Restanque : terrasse de culture.
Bibliographie et sitographie sommaires

Bibliographie

  • Yves Monnier, Serre de la Madone, un nouvel exotisme, Menton, 2010
  • Josiane Tricotti (coordination), Menton, musées, monuments, promenades, éditions du Patrimoine, Paris, 2006.
  • GREGGIO Simonetta, La Côte d’Azur des jardins , éditions Ouest-France, collection « Itinéraires de découverte », 2002
  • PANAROTTO Serge, Jardins et châteaux de la Côte d’Azur, éditions Edisud, collection « Patrimoines », 2005

Sitographie

Informations pratiques

Le Jardin est géré par la Ville de Menton

74, route de Gorbio - 06500 Menton - France

Tél. : 33 (0)4 93 57 73 90

Fax : 33 (0)4 93 28 55 42

https://www.menton.fr/Jardin-Serre-de-la-Madone

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