L'oeuvre d'André Verdet

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André Verdet (Nice 1913- Saint-Paul 2004) était un poète, écrivain et artiste saint-paulois. Grand Prix des Poètes 2002 de la SACEM.

La vie et l'oeuvre d'André  Verdet 

Né à Nice le 4 août 1913 de Paul Verdet et de Marie Ourdan, André Verdet passe une enfance heureuse à Saint-Paul-de-Vence où il est élevé par son oncle et sa tante. Il rejoint son père dans le nord en 1923 pour y débuter, à contre cœur, son apprentissage dans la restauration. Du lycée hôtelier à Clermont-Ferrand ou à Francfort où il effectue un stage dans un hôtel, la Provence ne cesse de lui manquer douloureusement.

Il a dix-neuf ans quand, pour fuir la contrainte paternelle, il s’engage dans l’infanterie et part pour la Chine. A Shanghaï, il est témoin de l’exploitation de l’homme par l’homme et forge ainsi sa conscience politique et son éternelle révolte.

Réformé à cause de son état de santé, il retourne à Saint-Paul en 1936,  passe sa convalescence à Briançon où il fait la connaissance de Jean Giono qui lui prodiguera de précieux conseils pour guider ses premiers pas en littérature. Il publie son premier livre Histoire Originale de Saint-Paul illustré par Jean Cassarini en 1938. En 1941, il rencontre Jacques Prévert qui deviendra un ami et avec qui il publiera ses poèmes dans Souvenirs du Présent, C’est à Saint Paul de Vence et le recueil Histoires.

 L’année 1941 marque aussi son engagement actif dans la Résistance au mouvement "Combat" puis dans le réseau « Action Immédiate » sous les pseudonymes Clairval et commandant Duroc. Arrêté en février 1944 par la Gestapo, il est déporté à Auschwitz où il reçoit le numéro tatoué 186524, puis à Buchenwald. Le camp est libéré le 11 avril 1945. André Verdet s’attache alors, avec Yves P. Boulongne, à publier Anthologie des poèmes de Buchenwald (parue en 1945 aux Editions Robert Laffont, rééditée par l’Association Française Buchenwald-Dora et Kommandos en 1995) qui rassemble les écrits de leurs camarades détenus et les leurs. Dans son premier roman La nuit n'est pas la nuit (édité pour la première fois en 1948 aux éditions  « Pré aux Clercs »), André Verdet témoigne à la fois de l’horreur des camps et de l’espérance. D’autres poèmes écrits durant sa captivité paraîtront sous le titre Les jours les nuits et puis l’aurore.

Dans les années qui suivent, il rencontre nombre de futurs amis et compagnons de travail comme Pablo Picasso, Françoise Gilot, Fernand Léger, Georges Braque, Marc Chagall, Ladislas Kijno, Henri Matisse ou Jean Cocteau. Il devient le poète de l'amour et de la Haute-Provence (sentiment du cosmique). Dès 1957, il expose régulièrement en France et en Italie. La période des Sortilèges de Provence qu’il réalise suite aux encouragements de Picasso, va de cette année jusqu'en 1960 et la série des Idoles, inspirées des rochers de son pays (sortes de divinité solaires et nocturnes), de 1960 à 1964. En 1961, encore sous l'influence de Picasso, il réalise ses premières céramiques à Vallauris, chez Madoura. Il y produit notamment des sculptures en forme de rocs qu’il baptise Pierres de feu. L’année 1962 voit la naissance de la série des Ciments, puis celle des Visages sacrifiés marqués par le passage dans les camps nazis et qui préfigurent  les Masques (1980). Il publie en 1963 la Vallée des Merveilles qui influence son œuvre peinte. A partir de cette date jusqu'en 1966, il crée la série des Vitrifications qui l'amène à sillonner l'espace mentalement et annonce les Cosmogonies (formes stellaires et poésie du ciel) de 1973. L’artiste Nadine Vivier est alors sa compagne depuis quelques années et lui inspire nombre de poèmes d’amour. Il publie en 1975 le recueil de poésies Le ciel et son fantôme. En 1978, sur les conseils de Bill Wyman, bassiste des Rolling Stones, il fonde son groupe de jazz baptisé Bételgeuse avec Gilbert Trem, compositeur, guitariste et chanteur, et réalise son premier disque en 1980 avec pour récitant Frédéric Altmann : Picasso-Blues. Altmann témoigne (in Photographies d'une vie, Autobiographie de Frédéric Altmann, Éditions de l'Ormaie, 2000) : « Sur notre lancée, nous avons fait un autre disque : Fernand Léger, qui sera suivi de Euphories de la couleur, 45 tours, consacré à l'œuvre du peintre américain Paul Jenkins, qui possède un atelier à Saint-Paul. Viendra presque dans la foulée : Hommage aux cosmonautes. Et le dernier en date, un C.D sur Marc Chagall, édité par Jacques Boulan ».

André Verdet fait la connaissance en 1982 de Françoise Armengaud, écrivain et philosophe (Université de Paris X, Nanterre) qui réunit les textes de trente-trois contributeurs pour rendre hommage au poète dans Pierres de vie, publié en 1986. Avec l’écrivain et poète Béatrice Bonhomme, elle organisera en 2001 un colloque international à l’Université de Nice intitulé André Verdet : le pur espace poésie.

De 1985 à 1989, André Verdet écrit régulièrement des textes et préfaces sur des artistes contemporains, se produit avec Bételgeuse et expose ses œuvres, notamment à la célèbre galerie Alexandre de la Salle à Saint-Paul. Dans le site internet Art Côte d’Azur, il témoigne de sa force créatrice en ces termes : « André Verdet, entre 1967, année où je l’ai inséré dans ma première exposition École de Nice, et 2010 (mes 50 ans de l’Ecole de Nice au Musée Rétif), je l’ai exposé régulièrement, il a toujours été présent dans mes deux galeries de Vence et de Saint-Paul. Ses travaux plastiques étaient parfois pure matière, froissée ou non, évoquant des recherches scientifiques, parfois des œuvres « lettristes », toujours construites, et avec un côté charade, ou koan. En 1999, je l’ai décrit comme un « artiste-Protée qui, sans transition passe du poème au tableau, du tableau-poème aux sculptures, du papier à la pierre, du métal à la céramique, survivant d’un pays, celui de tous ses grands amis peintres et poètes (Picasso, Léger, Prévert, Chagall, Kijno, César, Baldwin, et tant d’autres... ), et, du haut de St-Paul, étant comme une balise qui sonde les hautes mers... ». France Delville de la Salle, écrivain et psychanalyste, lui consacre un livre : André Verdet ou la parole oraculaire.

Aux éditions Galilée, il publie de grands poèmes cosmologiques comme Le ciel et son fantôme ou encore Seul l’espace s’éternise. Au début des années 2000, c’est avec l’éditeur Luciano Melis qu’André Verdet travaille à de nouvelles publications.

Deux expositions importantes retracent l’œuvre d’André Verdet, la première en 1992, au Musée d'Art Moderne et d'Art Contemporain de la ville de Nice qui lui consacre une rétrospective intitulée André Verdet Pluriel.

La seconde en 1999, au Centre international d'art contemporain (C.I.A.C.) de Carros qui lui dédie l’exposition André Verdet Univers. Suite à cette dernière, André Verdet décide de faire une importante donation à la ville de Carros : un certain nombre de ses œuvres sont désormais conservées au CIAC et de nombreux ouvrages de sa collection personnelle, parmi lesquels de remarquables livres d’artiste sont conservés à la Médiathèque qui porte son nom depuis 2003.

Quelques oeuvres à quatre mains d’André Verdet et ses amis figurant dans la collection du CIAC. 

André Verdet et Yves Klein 

André Verdet rencontre Yves Klein en 1960, « l’artiste pur d’un bleu «idéal » au service d’un espace « idéal ». Fils de Marie Raymond, peintre abstrait, Prix Kandinsky en 1949 et Prix Marzotto en 1960 et de Fred Klein, peintre ayant également séjourné à Cagnes-sur-Mer, Yves emmène André Verdet au cimetière de cette ville pour écouter les chouettes dialoguer dans les hauts cyprès. Pour chacun des deux, l’espace supérieur deviendra, au-delà de leur quête, une mystique où ils aimeraient planer au-delà et au-dessus de leurs propres créations » (in André Verdet Pluriel,une vie, une aventure, une œuvre  une passion,catalogue d’exposition du MAMAC, 1992).

© Yves Klein / Adagp, Paris, 2015

ô foudres…, Yves Klein et André Verdet, 1961, carton brûlé, 11 x 17 cm. 

En 1962, un mois avant la mort prématuré d’Yves Klein, André Verdet lui fait parvenir un poème qui lui est consacré :

Ô foudres planètes et fusées
Par le feu et par l’eau
Yves Klein le croisé
Envers et contre tout
D’un seul jet purifie
L’espace du tableau
Par le feu et par l’eau
Dans le grand flamboiement
Du vide sidéral
Yves Klein reconstruit
L’iris vierge de l’œil
Par le feu et par l’eau
Yves Klein le croisé
Passe au bleu de la flamme
Lessive originelle
L’histoire du tableau
Ô foudres soleil et rosée

Yves Klein en fut touché et décida d’en graver l’empreinte dans une de ses œuvres. Ce poème figure dans le catalogue de l’exposition des peintures de feu, Galerie Tarica, Paris, 1963

André Verdet et Arman

« En 1958, André Verdet achète une grande Allure à Arman […] Tous deux s’était connus un an auparavant alors que leur ami commun Pierre Restany commençait à implanter de plume et de parole fermes les avancées stratégiques du Nouveau Réalisme. Désormais ils vont se trouver des tas de raisons communes, humaines, sociales et artistiques de se revoir souvent et pour longtemps. Ils iront ensemble à Venise pour travailler le verre. André Verdet le présentera à Picasso à la Galerie Madoura à Cannes.

De plus, la collaboration étroite entre Arman et André Verdet se fera effective sur le plan des réalisations artistiques conjointes : livres, livres d’artiste et œuvres plastiques conjointes.

En 1966, André Verdet présente les œuvres d’Arman au Musée Municipal de Saint-Paul. L’exposition fit scandale : y étaient présentés les Coupes de Statues, les Colères, les Combustions et les Poubelles… Nombres de particuliers et d’édiles municipaux s’indignèrent. André Verdet fut traité de fou, de perturbateur des bonnes mœurs saint-pauloises. Cependant le futur conservateur du Musée d’Art Moderne de la ville de Paris, Jacques Lassaignes, fut conquis par les trouvailles de cet artiste qui allait devenir l’un des plus grands créateurs du Nouveau Réalisme. »
Extraits de André Verdet Pluriel, catalogue de l'exposition du MAMAC à Nice en 1992 aux éditions Jacques Boulan.

© ADAGP, Paris, 2015

inclusion, Arman et André Verdet, 1965, 60 x 40 x 4 cm, collection du CIAC de Carros

Cette œuvre synthétise les préoccupations des deux artistes dans les années 1960 : les papiers déchirés, piégés dans la résine, proviennent d’une œuvre d’André Verdet, probablement d’une de ses séries intitulée Idoles, sortes de divinités solaires et nocturnes inspirées des rochers de sa Provence. Quant à la résine synthétique qu’utilise Arman, elle lui permet de concrétiser ses interrogations sur l’objet et les rapports qu’entretiennent les sociétés modernes avec lui grâce, notamment, à ses Accumulations.

André Verdet et Gilli 

C’est en 1967 que les œuvres de Claude Gilli et André Verdet cohabitent pour la première fois, entre autres artistes, à la galerie Alexandre de la Salle, place Godeau à Vence.

© ADAGP, Paris, 2015

Sans titre, Claude Gilli et André Verdet, non daté, terre cuite et coquilles d’escargots, 36 x 30 x 20 cm. 

La collaboration des deux artistes donne naissance à cette sculpture singulière : André Verdet céramiste produit une forme minérale et sombre qui rappelle son attachement à la Provence noire et Claude Gilli y adjoint des coquilles d’escargots, qui symbolisent une partie de sa démarche artistique de la fin des années 1960 : « C’est en traversant le marché du Cours Saleya qu’il aura la révélation en voyant des gastéropodes se carapater de leur boite. Gilli invente sa peinture anthropomorphique. Klein avait ses femmes pinceaux, lui se servira d’escargots qu’il trempe dans la peinture et lâche sur la toile». Extrait du catalogue d’exposition du MAMAC de Nice Gilli, Ex-voto, Cibles, Paysages-Découpages, 1999.