Le Festival International du Film de Cannes

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Le Festival International du Film de Cannes est la plus importante manifestation cinématographique, tant pour ses échanges et ses enjeux artistiques que pour son envergure commerciale en terme de diffusions et de promotions de films à l’échelle mondiale. La puissance de ce Festival, unique en son genre, est de réussir à donner à l’industrie du cinéma une scène où se côtoient les œuvres économiquement ou esthétiquement les plus minoritaires et les films voués aux plus grandes audiences.

Naissance d’une idée

L’Exposition Universelle des Arts & Techniques de Paris de 1937 allait prouver qu’une confrontation internationale des films pouvait avoir, en plus d’un intérêt commercial, une valeur de prestige pour les nations participantes. Pendant la journée, les visiteurs avaient le loisir de visionner des courts-métrages touristiques dans les pavillons des exposants qui étaient aménagés pour l’occasion d’un espace de projection. Le soir, les derniers « grands films » des différents pays producteurs étaient projetés dans une immense salle temporaire de près de mille places, construite dans les jardins de la Tour Eiffel : le CINE 37. Très officiellement, un Grand Prix du Cinéma était décerné sous la présidence du Ministère de l’Agriculture.

Paris n’offrant pas la possibilité d’une telle manifestation chaque année, l’idée d’une compétition fut reprise et une Académie du Film, réunie pour la première fois en 1939, distribua des Prix d’interprétation et de Mise en scène. *

 * L'encyclopédie du Cinéma, direction Roger Boussinot, Ed. Bordas 1967

Cannes contre Venise

L’Europe des années 30 voit l’apparition de deux grands Festivals de cinéma : la Mostra Internazionale d’Arte Cinematographica installée au sein de la Biennale de Venise depuis 1932 et le Festival International du Film de Bruxelles en 1935. En cette année 1938, les instabilités politiques, les tensions diplomatiques et les menaces totalitaires qui pèsent sur l’Europe deviennent manifestes lors du Festival de Venise, supervisé par le pouvoir mussolinien qui couronne Les Dieux du Stade, film réalisé à la gloire de l’Allemagne nazie par Leni Riefenstahl. Pour s’opposer à l’idéologie dominante à Venise, la France décide de créer son propre festival.

On hésite entre plusieurs villes balnéaires conçues pour l’accueil, on cherche des palais et des grands théâtres, on pense à Biarritz, Vichy, Nice, Cannes… Si l’essor touristique exceptionnel de Cannes qui attire de plus en plus de résidents étrangers, plaide en sa faveur, c’est surtout la proposition par la ville de construire un Palais des Festivals qui fera la différence. L’Etat, la municipalité et le Conseil Général des Alpes-Maritimes se posent comme financeurs de la manifestation prévue du 1er au 20 septembre 1939, soit au lendemain de la clôture de la Mostra de Venise. Et la présidence de cette première édition est proposée à l’inventeur du cinématographe en personne, Louis Lumière.

Hollywood voit dans le projet la scène idéale pour y lancer ses films en Europe. Dès le mois d’août sur la Croisette, on peut croiser Gary Cooper, Tyrone Power ou Mae West… Mais la date du 1er septembre 1939 restera dans l’histoire pour une toute autre raison que celle de la fête du cinéma. Ce jour-là l’Allemagne lance sa première offensive contre la Pologne. Le 3 septembre, l’Angleterre et la France déclarent la guerre à l’Allemagne. La Deuxième Guerre mondiale éclate.

Il faudra attendre sept années pour que le premier Festival International du Film de Cannes voit le jour.

L’objectif du Festival

À la Libération, Philippe Erlanger, Délégué général du Gouvernement auprès du Festival dans sa version avortée de 1939, relance le projet. Le gouvernement De Gaulle de 1945 encourage sa tenue pour l’année suivante. Son principe sera fondé sur l’idée d’une manifestation professionnelle réunissant dans un même lieu et dans un même laps de temps, les films les plus représentatifs réalisés dans l’année par les pays producteurs.

21 pays participent à la première édition de 1946. 11 récompenses sont distribuées, notamment à Rome, ville ouverte de Roberto Rossellini ou La Bataille du rail de René Clément, deux films fortement imprégnés des années de guerre que l’Europe vient de traverser. Dès lors, Cannes est désignée par les cinéastes comme le lieu où les films seront les messagers du monde, du Japon à l’Argentine, de l’Iran à la Chine, sur tous les modes, fictions, documentaires et même animations, sous l’axe des points de vue multiples.

Une palme et un Jury

Si pour les réalisateurs et les producteurs cette « Palme d’or » est en mesure d’influencer favorablement le destin commercial de leurs films, leurs seules présences dans la sélection officielle a valeur de récompense. En effet, le Festival contribuera à l’émergence de cinéastes qui marqueront à jamais l’histoire du cinéma. Federico Fellini, Ingmar Bergman, Michelangelo Antonioni, Luis Bunuel, Akira Kurosawa voient leur notoriété grandir durant leur séjour cannois.

Il faudra pourtant attendre 1964, soit près de vingt ans après le lancement du Festival, pour qu’un cinéaste se voit enfin confier la présidence du Jury. Fritz Lang sera celui-là. Dorénavant, les académiciens et les vedettes du monde du spectacle qui composaient les jurys cannois devront céder la place aux professionnels et aux personnalités issues du cinéma.

Ainsi, pour résoudre les problèmes d’ordres mondains, mais surtout politiques ou diplomatiques générés par à un Festival mettant en compétition des pays aux enjeux culturels et économiques considérables, les organisateurs opéreront des ajustements successifs pour recentrer le Festival sur l’unique préoccupation cinématographique. Les années 1960 furent riches en réajustements.

Le Festival cherche son indépendance

Le Syndicat Français de la Critique de Cinéma crée, en 1962, La Semaine de la Critique, première section parallèle à la sélection officielle du Festival, avec pour objectif de mettre à l’honneur les premiers et deuxièmes films des cinéastes. Il devient très vite un révélateur de talents : Bernardo Bertolucci, Jean Eustache, Ken Loach, Wong Kar Wai, Jacques Audiard ou Arnaud Desplechin, cinéastes qui se retrouveront quelques années plus tard dans la sélection officielle. A la fin de cette même décennie, après un mois de mai 1968 agité qui voit l’annulation du festival, la Société des Réalisateurs organise un contre-festival, la Quinzaine des Réalisateurs, en 1969. Depuis sa création, « la quinzaine » a découvert les premiers films de Werner Herzog, Rainer Werner Fassbinder, Nagisa Oshima, George Lucas, Martin Scorsese, Ken Loach…

Devant le succès des sections parallèles qui affichent une liberté d’esprit et des audaces faisant défaut à un Festival enfermé dans un système où les nations participantes ont le pouvoir d’envoyer les films qu’ils veulent, Cannes s’oblige à gagner son indépendance. En 1972, grâce au vote du conseil d’administration et son Président Favre Le Bret, le Festival devient seul décisionnaire de ses sélections. Le vœu de l'historien et théoricien du cinéma André Bazin est désormais en voie d’être exaucé : à Cannes que l’on « se soucie un peu moins de festivités et de diplomatie, et un peu plus de cinéma ».

Festival de la diversité

C’est dans sa recherche de propositions multiples, thématiques et formelles, que le Festival de Cannes tire aujourd’hui sa singularité. En plus des deux « sections parallèles » déjà citées, se sont ajoutés au fil des années  d’autres sélections : Un Certain Regard, la Cinéfondation, le Marché du film, l’Association du Cinéma Indépendant pour sa Diffusion (ACID), Cinéma des Antipodes et de Visions Sociales… La plupart de ces sélections sont rediffusées gratuitement dans le réseau de salles Cannes Cinéphiles qui délivre chaque année près de 5000 accréditations destinés à un public de cinéphiles.

Lieu de convergence des professionnels comme des amoureux du cinéma, gigantesque scène médiatique avec 4500 journalistes représentants près de 1600 médias (TV, radios, presse écrite)  pour 85 pays, malgré des enjeux économiques considérables, Cannes a su préserver une exigence artistique dans ses sélections inspirée par une haute idée du cinéma.

Liens
Bibliographie
  • La Vie Passera Comme un Rêve, de Gilles Jacob, Robert Laffont 2009
  • Stars Mirkine de Stéphane Mirkine, Flammarion 2007
  • Le Festival de Cannes de Frédéric Mitterrand, Robert Laffont, 2007
  • 60 ans de festival de Cannes de Paul Louis, Serge Haouzi, Gilletta 2007
  • Le festival de Cannes sur la scène internationale, de Loredana Latil, Nouveau Monde Editions, 2005
  • D'or et de palmes : Le festival de Cannes, de Pierre Billard, Gallimard, 1997
  • Festival de Cannes, de Jean-Francois Tealdi, Editions du Ricochet, 1996
  • Le festival de Cannes : 60 Ans d'histoire 1946-2007 Editions Auzou, 2007
  • Le Festival de Cannes vu par Emanuele Scorcelletti, Michel Lafon, 2007
  • Aux marches du palais. le festival de cannes sous le regard de sciences sociale de Emmanuel Ethis, La Documentation Française -  2001
  • Cannes Cinéma : L'Histoire du festival de Cannes vue par Traverso, de Serge Toubiana, Cahiers du cinéma, 2003

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