Les gravures du mont Bego, Tende

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Située à la frontière franco-italienne dans les Alpes-Maritimes, au cœur du Parc national du Mercantour, la « région du mont Bego » est un véritable musée à ciel ouvert qui s’étend sur environ 14 km2. Tout autour du mont Bego, qui culmine à 2 872 m, de hautes vallées montagnardes d’origine glaciaire conservent plus de 50 000 gravures disséminées sur les roches entre 2 000 et 2 700 m d’altitude. 

Quand ont-elles été réalisées ?
Les gravures sont datées de l'âge du Cuivre (3 200 – 2 200 avant J.-C.), de l'âge du Bronze ancien (2 200 - 1 700 avant J.-C.), de l'époque romaine (I-II siècles après J.-C.) et des périodes historiques. Elles témoignent de la fréquentation du site dès la Protohistoire jusqu’à l’époque moderne. 
Pourquoi ont-elles été réalisées ?
Les glaciers du quaternaire ont modelé et poli les paysages et les roches de la région du mont Bego les transformant en surfaces lisses, ayant probablement incité les hommes à y graver des motifs au cours du temps. Mais d’autres motivations ont sans doute influencé leur choix : la présence de pâturages riches pour les troupeaux, l’abondance d’eau sous forme de lacs et d’orages, l’imposante silhouette du mont Bego visible depuis le littoral, l’existence de plusieurs minerais, la variété et la beauté des couleurs des roches…
Quels sont les différents types de gravures ?

Les gravures protohistoriques ont été réalisées par pression-rotation ou percussion directe d’un outil en quartz sur la surface de la roche. On obtient ainsi des impacts arrondis, appelés « cupules », qui juxtaposés forment un motif (gravure « piquetée »). Quatre grandes catégories de gravures protohistoriques représentatives ont pu être distinguées : les corniformes, les armes et outils, les figures géométriques et les anthropomorphes.

Les corniformes:

Ce sont les motifs les plus nombreux, des représentations stylisées d’animaux cornus. Composées d’un corps linéaire, carré ou rectangulaire, surmontées d’une paire de cornes variées, ces images d’animaux sont représentées seules ou réunies. Suivant leur position sur la roche ou leur association avec d'autres gravures, les corniformes symboliseraient le « dieu-taureau » mais aussi le bovidé, animal de trait nécessaire à la pratique de l’agriculture, activité fondamentale des populations de l’époque.

Les armes et outils :

Poignards, hallebardes, faucilles, haches… offrent un grand intérêt pour la datation des gravures et pour la connaissance des civilisations des graveurs car ils peuvent être rapprochés des pièces archéologiques de l’âge du Cuivre et de l’âge du Bronze ancien.

Les gravures géométriques:

On reconnaît des figures simples rayonnantes (croix, étoiles, cercles rayonnants, spirales…) ou fermées (cercles, rectangles, cercles concentriques…) ou bien encore des réticulés aux formes et aux nombres de cases variés. Ces derniers évoqueraient les champs cultivés et, symboliquement, la « déesse-terre ».

Les grands anthropomorphes:

Appelés par la tradition populaire « le christ », « la danseuse », « le sorcier », « le chef de tribu » ou « l’homme aux bras en zigzag », souvent composés de l’assemblage de figures corniformes et de plusieurs thèmes, ils sont probablement l’évocation des dieux anciens des populations de l’âge des métaux. Des anthropomorphes plus petits sont associés à des attelages ou à des armes (hallebarde, poignard, hache…). Il ne s’agit pas de représentations réalistes, mais vraisemblablement de schémas symboliques dont des sacrifices rituels du taureau, des scènes de fécondation et de fertilité ou des attitudes de prière.

Les peuples du début de l’âge des métaux auraient donc voué dans la montagne sacrée du mont Bego, véritable sanctuaire à ciel ouvert, un culte au « couple divin primordial », constitué du dieu-taureau, dispensateur de la pluie fertilisante, et de la déesse-terre, mère nourricière.

Lors des époques historiques, les gravures ont été incisées à l’aide d’un outil métallique : on parle alors de gravures « linéaires ». On trouve une inscription romaine et des gravures appelées « schématiques » (zigzags, signes en forme d’arbre, de peigne, de flèche, de marelle…), peut-être liées aux premiers cultes païens voués à la nature et à ses forces vives. A partir de la Renaissance, on assiste à la christianisation du lieu par des notables qui gravent leurs signatures à côté de la représentation de leur arme blanche (épée, dague, coutelas, hache…) et par des hommes du clergé qui incisent des croix entre les cornes des corniformes. Des figures de bateaux, gravés par des marins, ainsi que des gravures de prieurs, de pèlerins, de militaires, de chasseurs ou de bergers complètent le corpus historique des gravures de la région du mont Bego.

Pour repérer sur le terrain les différentes gravures, la région du mont Bego a été découpée en secteurs, eux-mêmes déclinés en zones, en groupes et en roches. Les principaux secteurs à gravures sont : Merveilles, Fontanalba, Valmasque, Valaurette, col du Sabion, lac Sainte-Marie, lac du Vei del Bouc. Cet ensemble constitue l'un des plus importants sites rupestres d'Europe, voire du monde entier.
Après la création du Parc national du Mercantour, en 1979, la région a été soumise à une réglementation spécifique qui relève d'un code de bonne conduite et qui interdit de graver ultérieurement les roches. Depuis l’année 1989 la vallée des Merveilles et la vallée de Fontanalba ont été classées au titre des Monuments Historiques. La demande d’inscription dans le Patrimoine Mondial de l’Humanité de l’UNESCO est actuellement à l’étude.

Conclusion
Loin d'avoir livré encore tous ses secrets, ce lieu offre aux archéologues un terrain de recherche inestimable. Cet héritage unique, véritable archive à ciel ouvert, confié par nos ancêtres, est récemment soumis à des dégradations irréversibles. Chacun de nous se doit de le respecter, afin de le transmettre intact aux générations futures.

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