Une oeuvre du Moyen Âge au Palais Carnolès, fiche pédagogique Une oeuvre du Moyen Âge au Palais Carnolès, fiche pédagogique

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Présentation

Un tableau du Maître de Palanquinos, représentant le Martyre du Christ, mérite une certaine attention.

Le peintre a travaillé essentiellement dans le dernier quart du XVème siècle dans la cathédrale de Léon (Espagne) au côté de F. Gallego. Il est influencé par le peintre flamand Dirk Bouts ; comme ce dernier, il peint sur bois en utilisant de la peinture à huile, a le culte de la précision et du détail réaliste et un souci de la perspective.

Le tableau du musée met en scène l'arrestation du Christ. D'abord il s'agit d'une séquence temporelle formée de plusieurs étapes qui se lisent de haut en bas -à la représentation « éloignée» de l'arrière-plan correspond le premier épisode et donc ici l'effort de perspective (bien signifié par l'augmentation de la taille des personnages quand on s'approche du premier plan) traduit le déroulement chronologique. On distingue les épisodes suivants : 1) Les soldats se préparent à l’arrestation ; 2) Le Christ est avec ses disciples pour le dernier repas ; 3) Il prie au Mont des Oliviers tandis que s’endorment ses deux apôtres ; 4) Il est arrêté et un de ses disciples tranche l’oreille de l’esclave du grand prêtre qui le moleste.

Ensuite, l'artiste multiplie les détails réalistes (à l'avant-plan, la peinture à l'huile lui permet de représenter différents végétaux mais aussi petits animaux), il individualise les soldats qui encerclent le Christ (avant-plan droit), ayant tous une position différente -cf. le mouvement de leurs jambes- Enfin l'auréole subit également une transformation.

En revanche le fond reste conforme à une tradition ancienne : celle de la dorure, réinterprétée ici selon l'art mudéjar (syncrétisme artistique à la croisée des arts chrétien, juif et musulman réalisé en terre espagnole sous domination mauresque) en des motifs géométriques à la feuille d'or.

Quoi, comment ?

Au Moyen Âge  la peinture se consacre essentiellement aux scènes religieuses, et sert à relayer le message religieux. À la Renaissance, mais d'abord seulement en Italie, elle s'émancipe pour traiter d'autres sujets, mythologiques notamment. Ici le tableau reste fidèle à la tradition médiévale en proposant la mise en espace de l'épisode fondamental du Nouveau Testament : La Passion du Christ (le mot passion a ici son sens étymologique et renvoie à la souffrance).

Son auteur recourt à la technique de la peinture à l'huile qu'il applique sur le bois.

Que voyez-vous ?

Le peintre organise un récit en plusieurs séquences narratives. Pour rendre compte du déroulement chronologique, il propose, par la variation d’échelle des personnages, un espace, une profondeur ainsi qu’un ordre de lecture : du haut et de l'arrière-plan au bas et l'avant-plan.

On retrouve ici  une partie (le début) des grandes étapes de la Passion du Christ racontée dans les quatre Évangiles, qui se déroule au Mont des Oliviers.

- Tout d'abord, les soldats romains sont avertis qu'il va falloir procéder à une arrestation,

- ensuite le Christ réunit une dernière fois ses disciples. Et il annonce qu'il sera trahi par l'un d'entre eux, tandis qu'ils partagent ce dernier repas (la  Cène).

- Jésus s'isole dans le jardin de Gethsémani, sur le mont des Oliviers, pour prier. Il a emmené Pierre et les fils de Zébédée (Jean et Jacques) qui s'endorment tandis qu'il implore son père, symbolisé ici par l'Ange.  Cet épisode est connu sous le nom d'Agonie du Christ, au sens de combat de l'âme.

- Jésus est arrêté par les soldats romains, un de ses disciples tranche l'oreille de l'esclave du grand prêtre qui s'en prend à lui. Jésus lui intime l'ordre de ranger son arme : «l'homme au poignard périra par le poignard.»

Il faut noter la précision des détails et la diversité des postures  (jambes des soldats à l'avant-plan) rendant ainsi une impression de mouvement saisi sur le vif.

A l'arrière-plan, le tableau reste fidèle à la tradition médiévale de l'icône qui pose la représentation du saint sur un fond d'or pour capter la lumière divine mais en l'adaptant à une coutume locale : le motif géométrique à la feuille d'or appartient à l'art mudéjar (syncrétisme des  arts chrétien, juif et musulman).

Qui, quoi, quand ?
Au Moyen Age, les peintres considérés comme des artisans ne signent pas leurs  tableaux, puis, peu à peu, ils gagnent le statut d'artistes et sont reconnus par leur nom. Ce tableau est l’œuvre d'un  peintre espagnol  de la fin du XVe siècle, dit le Maître de Palanquinos, qui a travaillé pour la cathédrale de Léon et a été influencé par Dirk Bouts,  un peintre flamand, grâce auquel il a appris la peinture à l'huile. Il s'inscrit dans une tradition qualifiée par les historiens de l'art de Gothique international, par opposition aux styles  picturaux italiens de la même époque.
Le savez-vous ?

De quand date la peinture à l'huile ? Qu'apporte-t-elle ?

C'est au XVe siècle qu'un peintre flamand Jean Van Eyck révolutionne son art en mettant au point la peinture à l'huile. Précédemment, les peintres utilisent une autre technique, la tempera, ou peinture à l'eau. Pour lier les pigments on emploie de l’œuf. Cette peinture s'applique soit sur du bois soit sur du plâtre et possède l'avantage de très bien résister au temps mais elle laisse peu de place au repentir : elle sèche très vite.

J. Van Eyck mélange aux pigments de l'huile de lin et de la cire d'abeille. Dès lors la peinture, appliquée sur bois puis peu à peu sur toile, sèche moins vite et permet donc de multiples retouches. Elle peut se superposer en couches très fines qui vont rendre une sorte de transparence, fort employée pour le rendu de la carnation ou des voilages : le glacis est né.

Énigme

Quelle est l'autre forme d'art qui très tôt cherche à raconter une histoire par la mise en espace ?

Il s'agit de la tapisserie, faite pour être posée au mur. Souvent plusieurs panneaux constituent un seul ensemble -on parle alors de tenture- qui raconte une histoire.

La  broderie au motif politique la plus connue et l'une des  plus anciennes, date  du XIème siècle, elle propose le récit de la conquête d'Angleterre par les Normands ; c'est la Tapisserie de Bayeux.

Les fresques de Notre-Dame des Fontaines, dantant du XVe siècle,  à La Brigue présentent un ensemble remarquable de peinture murales avec le récit de la passion du Christ et le Jugement Dernier, principalement.

Au XXe siècle, la bande dessinée s'empare de cette problématique des arts visuels au service d'une histoire (et donc d'un déroulement chronologique), d'ailleurs l'un de ses pères, Will Eisner (1917-2005) la définit comme «la principale application de l'art séquentiel au support de papier».

Œuvres en lien

© palais Carnolès, Menton

Moyen Âge, Maître de la Maddalena, Sainte Hélène, Ecole toscane, XIIIe siècle, tempera sur bois, 33x24 cm.

© palais Carnolès

Gothique tardif  international, Anonyme, Présentation de la Vierge au Temple, École rhénane, XVe siècle, huile sur bois, 74x46 cm.

© palais Carnolès

Renaissance, B.Luini (vers 1490-1532), La Vierge à l'Enfant Jésus et Saint Jean-Baptiste, École Lombarde, XVIe siècle, huile sur toile, 116x87, 5 cm.

Parcours culturel

  • Parcours H.d.A : de l'invention de la perspective à son dépassement à travers les collections du Moyen Âge au XXe siècle.
  • Parcours géographiques :
    • À Nice à la rencontre d'autres peintres de la Renaissance  (Musée Chéret) ou d'artistes contemporains (Mamac),
    • à Menton, à la rencontre du génie de l'architecte  H. G. Tersling en comparant deux de ses œuvres : le Palais de Carnolès (néo-classique) et le  Palais de l'Europe (ancien casino), exemple d'éclectisme.
  • Parcours intellectuel et sensible : que cherche à représenter la peinture, du Moyen Âge à l'art contemporain ?      

Thématiques en Histoire des arts

Une visite au Palais de Carnolès peut s'inscrire dans l'enseignement de l'histoire des arts, selon les thématiques suivantes :

Arts, mythes et religions : la peinture religieuse du Moyen Âge et de la Renaissance,

Arts, techniques, expression : l'art du portrait aux XVIIe et XVIIIe siècles ; l'invention de la peinture de paysage au XIXe siècle, l'art contemporain,                 

Arts,  ruptures, continuités : peinture du Moyen Âge au XXe siècle,

Arts, espace, temps : l'architecture d'un palais néo-classique.

Disciplines

Histoire Français Arts plastiques Interdisciplinarité

5e : Le monde médiéval et l'église ; les bouleversements culturels du XV au XVIIIe siècles (salle 1 : la peinture religieuse, invention de la perspective, salle 2 : l'individu : la peinture de portrait)

4e : le XIXe siècle (salle 3, le paysage)

3e : XXe siècle, (salle 4, les Biennales)

5e : Le Moyen Âge (salle 1, la peinture religieuse)

4e : le XIXe siècle (salle 3, le paysage),

3e : XXe siècle, (salle 4, les Biennales)

Les codes de la lecture de l'image

Dessin, peinture, architecture peuvent être abordés au musée de Carnolès.

L'œuvre peut y être interrogée en fonction de son rapport à l'objet, à l'image et à l'espace, de la 6e à la 3e

On pourra interpénétrer les approches historiques, littéraires et plastiques avec profit. Les mathématiques pourront apporter leur éclairage précieux pour la mise au point de la perspective

Questionnement

Pictural Historique Narratif

Couleurs/ Espaces/

Techniques/ Matériaux/

Matières/ Supports/Symboles/ 

Lignes/ Figures

Moyen Âge

monde médiéval

peinture religieuse

Universalité

Histoire / histoire

Le message par l'image

Forme et symbole

Espace et fonction

Activité pédagogique

De type « proposition, pistes pédagogiques, séquence, activité de classe.

Pistes pédagogiques:

- appréhender les qualités expressives de la couleurs, des lignes, des formes...

- s'approprier un espace.

- intégrer la place et le regard du spectateur.

- faire l'expérience sensible d'une œuvre, d'un espace architectural.

Proposition de cours:

Incitation: "Espace d'expression"

Consigne: vous choisirez un espace dans le collège et vous proposerez un projet sous la forme de planche-projet. Celle-ci doit nous permettre de comprendre comment vous avez su modifier la perception de cet espace par la couleur, le geste, le motif afin d'exprimer une opinion, un sentiment, une revendication....

1e séance/  Dessin d'observation sur le motif

2e séance/ Croquis préparatoire, idées en devenir

3e séance/ Échantillons, photographies, modélisations, mise en page du projet.

4e séance/ Présentation du projet et verbalisation.

Selon le scénario pédagogique choisi, les élèves iront visiter la chapelle, accompagnés par des professeurs. 

Bibliographie / Sitographie générales

  • sur Menton

Histoire de Menton, sous la direction de J-P Pellegrinetti, éditions Privat, Toulouse 2010,

  • sur le Palais de  Carnolès : histoire et architecture

Hans-Georg Tersling, architecte de la Côte d'Azur, M. Steve, éditions Serre, 1997,

  • sur les Biennales internationales de Menton

Dossier de presse préparé pour le vernissage de l'exposition : « Contrastes, Rétrospectives des Biennales de Menton (1951-1980) », par Hugues de la Touche (conservateur), 2003,

  • sur la peinture

Il était une fois ...l'art de la Renaissance, S. Léonard, CRDP Montpellier, Romain Pages Editions,2006,

Histoire de l'art, E.H. Gombrich, Phaidon, réédition, 1995,

Histoire de peintures, D. Arasse, poche Folio, réédition 2006,

Serge Poliakoff, G. Durozoi, Editions Expressions contemporaines, 2001,

  • sur la perspective

La Perspective en jeu, P. Comar, Découvertes Gallimard, 1992,

Douce Perspective, Denis Favennec, Ellipses, 2007,

L'annonciation italienne, une histoire de perspective, Daniel Arasse, Hazan, réédition 2010.