Les grands tournages sur la Côte d'Azur

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L’existence des studios de la Victorine, dès 1919, a hissé Nice au deuxième rang des villes de cinéma après Paris. Plus d’un millier de films y ont été tournés, participant de façon décisive à l’essor de l’industrie cinématographique de la Côte d’Azur. Entre cinéma populaire, très largement majoritaire, et cinéma d’auteur, la production cinématographique issue du département des Alpes-Maritimes constitue l’une des pages les plus riches de l’histoire du cinéma français.

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Naissance du cinéma « niçois »
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Matisse et Rex Ingram aux studios de la Victorine

Arrivant des quatre coins de la France, mais aussi d’Allemagne, d’Angleterre ou des Etats-Unis, c’est d’abord des extérieurs et cette « luminosité particulière » (chère à Matisse) que viennent chercher les cinéastes du début du XXe siècle dans la région méditerranéenne.

Entre 1910 et 1930 les studios de prise de vue fleurissent dans la région niçoise de façon impressionnante : Studio Pathé sur la route de Turin (1910), Studio Gaumont à Carras (1913), Les films Louis Nalpas au Parc Liserb à Cimiez et Les studios de Saint-Augustin (1919) Les Films René Navarre à la Réserve (1921), Iris Film à St Laurent du Var (1921), Les Studios de St André de Nice (1927), Studio Paradis, rue Paradis à Nice (1930), etc.  Si la plupart de ces studios ont eu une existence brève, ils auront donné à Nice les fondements d’une solide infrastructure, sans commune mesure avec d’autres villes de province en France.

L’âge d’or

Les années 20 voient la production de films exploser. Qu’ils soient réalisateurs de renoms comme Louis Feuillade, créateur des Fantômas, dirigeant au Studio de Carras sur l’un des plus grands succès de l’année 1923 Les deux Orphelines, ou débutants comme Jean Renoir qui s’essaye à la mise en scène dans Catherine (1924) avec Catherine Hessling, dernier modèle de son peintre de père, tout ce que la France compte de cinéastes semble faire escale à Nice pour y travailler.

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La Roue, Abel Gance, 1920, gare saint-Roch, Nice

L’un des grands films tournés en partie à Nice à cette époque est sans nul doute La Roue, « tragédie des temps modernes » selon son auteur, Abel Gance. Après des repérages effectués par Blaise Cendrars (le poète occupant alors le poste d’assistant bénévole), Abel Gance installe ses caméras, de décembre 1919 à juin 1920, sur une ligne de chemin de fer (Nice-Coni, alors en construction) non loin de la gare Saint-Roch. Il y tourne toutes les scènes ferroviaires de son film. La démesure du cinéaste ou simplement sa prodigieuse inspiration donneront naissance à un film de 8 heures. Abel Gance reviendra à Nice 3 ans plus tard pour y tourner quelques extérieurs de son gigantesque Napoléon.

Durant les décennies suivantes, d’autres cinéastes viendront tourner sur la Côte d’Azur et non des moindres : Marcel L’Herbier, Jean Vigo, Jean Grémillon, Marcel Carné, H.G. Clouzot, Jean Cocteau, Alfred Hitchcock, François Truffaut, Jacques Demy, Jacques Tati, Jean-Pierre Mocky, John Frankenheimer, Nicole Garcia… Ils signeront à Nice des films majeurs de leur filmographie. Encore aujourd’hui, la ville et sa région attire des cinéastes de renom tels que Xavier Beauvois, Eric Rochant, Jacques Audiart ou Woody Allen…

La tentation Hollywoodienne
Le Magicien

Le Magicien, 1926

Hollywood s’immisce à Nice en la personne de Rex Ingram. Homme épris d’indépendance et déçu par la Métro Goldwin Mayer qui lui avait refusé la réalisation de Ben-Hur (confié à Fred Niblo en 1925), Rex Ingram s’installe aux Studios de la Victorine. Il y dirigera notamment trois films - Mare nostrum et Le Magicien en 1926, et une partie du Jardin d'Allah en 1927. Ayant investi des sommes colossales dans ses productions, Rex Ingram contribua à moderniser les Studios pour en faire l’un des plus performants du pays. Cette incursion hollywoodienne restera toutefois sans lendemain, Rex Ingram regagne sa Californie pour oublier l’échec cuisant de Baroud (1931) qui figera sa carrière.

Quelques trente ans plus tard, des superproductions feront renaître l’espoir d’un Hollywood dans le sud de la France. Par exemple, Lady L (1964) de Peter Ustinov, production « internationaliste » (France, Italie, Angleterre), interprétée par Sophia Loren, Paul Newman et David Niven. Pour ce film adapté d’un roman de Romain Gary, Peter Ustinov fait construire sur le terrain extérieur du studio, vaste de 60.000 M2, une place d’époque 1900 entièrement pavée, bordée de lampadaires, de boutiques, de bars et surtout d’une maison de quatre étages à large façade dont chaque fenêtre est ornée de rideaux. Malgré son énorme budget le film réalisera de faibles entrées en salle. Ce sera le cas de la majorité des grosses productions étrangères pour qui la Côte d’Azur est certes une région capable de fournir des prestations de qualité, mais n’est en rien une nécessité liée au scénario.

Cette « absolu nécessité », bientôt un cinéaste va l’affirmer pour un tournage qui marquera l’activité cinématographique niçoise et un film qui fera date dans l’histoire du cinéma. Le 26 septembre 1972, François Truffaut commence la réalisation de La Nuit américaine

Studios et décors naturels
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La nuit américaine, 1972, François Truffaut

Truffaut connaissait la région niçoise pour y avoir dirigé Catherine Deneuve et Jean-Paul Belmondo dans quelques scènes de La Sirène du Mississipi en 1968, situées dans les jardins du Musée Masséna et dans un hôtel de la place Audiberti à Antibes. En 1971, il revient à Nice pour y effectuer le montage de Deux anglaises et le Continent à La Victorine. C’est en se promenant dans les studios qu’il remarque l’impressionnant décor édifié quelques années auparavant pour un film américain La Folle de Chaillot (1967) de Bryan Forbes.
La bouche de métro au milieu d’une grande place évoquant un quartier parisien, Truffaut va s’en servir comme principal décor de Je vous présente Paméla dont La Nuit américaine montre le tournage. Le décor abandonné reprend vie sous le nouveau regard du cinéaste.
La Nuit américaine fera définitivement rentrer les studios de la Victorine dans la légende du cinéma.

© 1945 Pathé Production

Décor du film de Marcel Carné, les Enfants du paradis, le boulevard du crime, studio de la Victorine, Nice

Parmi les autres œuvres incontournables qui ont vu le jour sur la Côte d’Azur dans les studios de la Victorine, Les Enfants du paradis de Marcel Carné (1943). Ce film réalisé pendant la Seconde Guerre mondiale, sur une idée de Jean-Louis Barreau rencontré par hasard par le réalisateur sur la Promenade des Anglais à Nice, fut écrit en quelques semaines par Jacques Prévert dans sa maison de Tourrettes-sur-Loup. Les Enfants du paradis restera longtemps le tournage le plus monumental que les Studios ont connu. En effet, le décor du fameux « Boulevard du crime » qu’Arletty, Pierre Brasseur et Jean-Louis Barreau arpentent et qui s’étendait sur plus de 160 m, nécessita 35 tonnes d’échafaudage, 350 tonnes de plâtre, 300 fenêtres vitrées, 67.500 heures de travail et 1.500 figurants pour y déambuler.  Les Enfants du paradis est l’un des chefs d’œuvre que compte le cinéma français pour la qualité de sa mise en scène et de ses acteurs, tous prodigieux.

Entre mer et montagne, la Côte d’Azur propose des décors naturels variés et monumentaux qui ont tout naturellement aussi attiré les cinéastes. Pour son film La Baie des Anges Jacques Demy préfère tourner dans un lieu à l’abandon, l’hôtel des Mimosas dans le Vieux-Nice. Toutes les scènes d’intérieurs de son film sont réalisées dans ce vieil hôtel, renonçant au confort d’un tournage en studio. « J’avais besoin d’une inscription forte de mes personnages (Jeanne Moreau et Claude Mann) dans l’espace qu’ils traversaient pour tracer leur itinéraire physique et spirituel » déclare Demy. 

Un film tout aussi essentiel, À Propos de Nice, tourné sans acteur dans les rues de la ville conçu par un jeune homme de 24 ans, Jean Vigo, réalisé en 1930 à l’écart des studios, hors de l’industrie et de tout système de production traditionnel, éclaire encore les écrans de toutes les cinémathèques du monde.

Woody Allen 2014

Sur le tournage de Magic in the Moonlight, 2014, Woody Allen

Ces films sont emblématiques des œuvres tournées sur le territoire des Alpes-Maritimes où les notions de classique et de moderne se côtoient, se rencontrent jusqu’à s’hybrider. Un film naît souvent de la rencontre entre un cinéaste et un lieu. Le port de Villefranche-sur-Mer rencontré par Alfred Hitchcock (La Main au collet, 1954) ; la promenade des Anglais magnifiquement filmée la nuit par Nicole Garcia (Le Fils préféré, 1994 ) ; l’émouvant retour de Jean Renoir aux Collettes à Cagnes-sur-mer son lieu d’enfance (Le Déjeuner sur l’herbe, 1959) ; l’hommage au Festival de Cannes fait par Brian de Palma (Femme fatale, 2002) ; ce club de Jazz recréé dans la cave Bianchi à Nice par le réalisateur-jazzman Woody Allen (Magic in the Moonlight, 2014) ; le retour de Grace Kelly à Monaco sous les traits de Nicole Kidman devant la caméra d’Olivier Dahan (Grace of Monaco, 2014), voir ces films aujourd’hui, c’est voir sur l’écran, ce que les regards des cinéastes ont retenu de leurs rencontres avec des espaces, des volumes, une lumière.

Les studios aujourd’hui

Suite à une liquidation judiciaire en 1995, les Studios de la Victorine ont  été rachetés en 1999 par le groupe Euro Media et s’appellent dorénavant Studios Riviera. Ce site de 70 000m2  comporte 6000 m2 de plateaux, des ateliers de menuiserie, des loges, des lieux de stockage, un magasin…

En 2007, un feuilleton quotidien diffusé sur France 2, Les 5 sœurs,  est tourné entièrement dans les Studios et sur la Côte d’Azur, essayant de rivaliser avec son pendant marseillais Plus belle la vie et de relancer ainsi l’attrait du lieu. Malheureusement, le feuilleton ne rencontre pas le succès public et s’arrête assez vite.

Aujourd’hui, les anciens studios de la Victorine accueillent principalement des tournages de publicités et de films institutionnels. Les Studios Riviera proposent aussi de la location de matériels et des prestations de service pour les nombreux tournages de films qui se déroulent sur la Côte d’Azur.

En savoir plus

Nice et le cinéma
http://www.nicerendezvous.com/car/nice-et-le-cinema/accueil.html

INA – Histoire de la Victorine
http://www.ina.fr/fresques/reperes-mediterraneens/notice/Repmed00464/les-studios-de-la-victorine

La Côte d’Azur un décor de cinéma
http://issuu.com/ccinicecotedazur/docs/la_c__te_d_azur_comme_un_d__cor_de_

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