Le Festival international de jazz d’Antibes-Juan-les-Pins

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Du jour où ils se sont rencontrés, Antibes Juan-les-Pins et le jazz étaient faits pour s’entendre, pour le meilleur à l’exception du pire. 

Introduction

Difficile de dire avec quels mots commencent les révolutions. Plus facile peut-être avec un millésime qui, pour être symbolique, n’en est pas moins révélateur, celui des années 1920, quand les ressortissants de la libre Amérique découvrirent un nouveau monde, où ils pouvaient assouvir leur fureur de vivre la nuit, quitte à somnoler le jour sous le chaud soleil estival : Antibes-Juan-les-Pins.

« Jazz Age »... à Juan

Parmi eux, Gérald et Sarah Murphy, répondant en 1922 à l’invitation de Cole Porter, en villégiature au château de la Garoupe, au cap d’Antibes. Peintre de talent, Gérald Murphy est aussi grand amateur de jazz et ami de Stravinsky, Cocteau ou Picasso. Dans son sillage, le couple n’a pas manqué d’attirer les protagonistes de ce que la postérité appellera « Génération perdue », les Hemingway, Dos Passos et autres figures de proue. Antibes-Juan-les-Pins va inspirer son roman le plus célèbre, Tendre est la nuit, à Scott Fitzgerald. La vie des Murphy à Antibes lui servira de modèle pour cet autre chef-d'œuvre qu'est Les Enfants du Jazz. L’expression américaine « Jazz Age », cette époque foisonnante que l’Europe appellera « Les Années folles », voit ainsi le jour à Juan et sur les rivages édéniques du cap d’Antibes.

À cette époque, le music-hall et la chanson fournissent le plus gros contingent de célébrités juanaises, à commencer par Mistinguett qui ouvre sa célèbre « Cage à poules », d’où elle entreprend des raids « jazzistiques » nocturnes et endiablés à travers le cap d’Antibes. Tandis que le petit Claude Bolling fait ses premiers pas sur la plage de Juan-les-Pins, les orchestres se succèdent à l’hôtel Provençal, dans les boîtes de nuit et au Casino, qui accueille en 1935 l'un des génies du jazz, Benny Carter. Désormais, à Juan-les-Pins, le jazz fait partie du paysage. Dans la station nouvellement à la mode, il est devenu la musique reine. D’aucuns évoquent même Saint-Germain-des-Pins lorsqu’en 1949 l’équipe du Vieux Colombier s’installe à Juan avec Juliette Gréco, Claude Luter et Maxim Saury.

Considéré dans les années 1950 comme le chef de file du « New Orleans revival », Sidney Bechet est aussi de la fête. C’est à Antibes qu’il choisit de convoler en justes noces le 17 août 1951. Après la cérémonie en… mairie, entouré d’une foule en délire, il entraîne son épouse Elisabeth dans un étourdissant carnaval. Trois kilomètres de paganisme solaire et musical pour un carnaval qui durera jusque tard dans la nuit. Antibes a le goût de la fête. Picasso, présent lui aussi, n’a-t-il pas intitulé «Antipolis ou la joie de vivre» l’un de ses plus célèbres tableaux, rendant ainsi hommage à cette étonnante alchimie entre un passé prestigieux et le bonheur de vivre au présent le plus immédiat ?

Le 1er festival européen !

C’est précisément en mémoire du grand Sidney qu’en 1960, deux passionnés de jazz, Jacques Souplet et Jacques Hébey, créent, avec l’appui de la municipalité, le 1er Festival de jazz d’Antibes-Juan-les-Pins. Dès la première édition, le révolutionnaire Charlie Mingus porte sur les fonds baptismaux le free jazz. En 1961, c’est au tour d’un « Genius » nommé Ray Charles, puis de Miles Davis, Dizzy Gillespie, Fats Domino, Ella Fitzgerald improvisant un mémorable duo avec une cigale... Après le choc Coltrane en 1965, avant l'apogée du jazz- rock et de la fusion, c’est l'impressionnante collection de pianistes (Petrucciani, Mc Coy Tyner, Chick Corea, Keith Jarrett etc.), puis la révélation d'Al Jarreau, les fabuleux concerts de deux fidèles d'entre les fidèles : Stan Getz et Sonny Rollins...

« Le seul truc vraiment excitant, chaque année, c’était le festival de jazz d’Antibes Juan-les-Pins (...) On allait donc là-bas, et j’ai découvert les arpèges d’Ella Fitzgerald et les grognements de Louis Armstrong dans cette pinède de Juan-les-Pins… » Comme Thierry Ardisson, nombreux sont ceux qui ont foulé les allées de la mythique pinède Gould. Pour la première fois, le grand public européen pouvait découvrir les principaux acteurs de cette grande saga qu’était déjà le jazz. Avec sur scène les héros en personne. De près. Et avec le plus beau décor qui puisse exister, sous les pins centenaires de la pinède Gould et face à la Méditerranée. Pari audacieux certes, mais brillamment tenu. Une histoire parfois houleuse, mais à l’aune toujours d’un enthousiasme jamais démenti.

L’Album de famille du Jazz

Après le choc Coltrane (1965) et alors que la polémique fait rage sur tous les plans, c'est l'irrésistible épopée du free, avant l'apogée du jazz Rock et de la fusion en 1976, l'impressionnante collection de pianistes en 1981 (Petrucciani, Mc Coy Tyner, Chick Corea et Keith Jarrett). Juan célèbre ensuite la révélation d'Al Jarreau, accueille Miles à nouveau, présenté par un illustre inconnu qui n'est autre que Bobby Mc Ferrin. Suivront l'extraordinaire duo entre Stanley Clarke et Miroslav Vitous, celui de Sarah Vaughan avec Michel Legrand, puis les fabuleux concerts de deux fidèles d'entre les fidèles : Stan Getz et Sonny Rollins... Difficile de citer tous ceux qui sont passés là : ils font tous partie de l’album de famille du jazz.

Aucun autre festival n’a fait plus pour la reconnaissance des musiques métissées et improvisées du monde entier : à Juan, le public garde l’Afrique au coeur, le «Som do brasil» de Gilberto Gil danse avec les latinos de Cuba et Tito Puente convertit la France à la magie du mambo, avant que John Mc Laughlin et Shakti n’ouvrent la Route des Indes… Le Blues est là lui aussi, avec la présence fréquente de BB King, Nina Simone, John Lee Hooker, Muddy Waters, Eric Clapton, Lucky Peterson... Juan c'est aussi le jazz vocal, le gospel et la soul, les voix de l'émotion, sans oublier bien sur la chanson jazzy en V.F : des Double-Six à Rita Mitsouko en passant par Claude Nougaro, « Jazz à Juan » n'a jamais oublié ceux qui font swinguer la langue de Molière.

Tout le jazz, tous les jazz !

Sans faillir à sa tradition élitiste et tout à la fois populaire, « Jazz à Juan » aura présenté depuis 1960 tout le jazz, tous les jazz. Swing, be-bop ou post-be bop, gospel ou roots, soul, funk ou rock, africain, européen ou américain, contemporain ou « new orleans », noir ou blanc... Les étiquettes swinguent et le public change. Jeune, plus que jamais à l’affût, curieux, émouvant. Pour lui, et c’est l’essence même de la popularité d’un genre universel qui ne s’est jamais démentie, le jazz qu’offre depuis cinquante ans la pinède Gould, a trouvé dans ses différentes expressions une nouvelle et éternelle jeunesse, se libérant des carcans dans lesquels certains ont voulu enfermer -contresens total- une musique née d’une profonde aspiration à la liberté et à la diversité. D’ailleurs, si le festival fête en 2010 ses cinquante ans, bien des jazzmen qui s'y illustrent sont loin de les avoir encore : Norah Jones, Jamie Cullum, Joshua Redman, Diana Krall, Manu Katché, Melody Gardot...

Doyen des festivals de jazz en Europe, célèbre aux quatre coins du monde pour son environnement privilégié, sa richesse culturelle et cet esprit de liberté sans laquelle il ne saurait y avoir d’art heureux, le Festival international de jazz d’Antibes Juan-les-Pins fait partie intégrante de la culture et du patrimoine français et européen, essentiel  par son exceptionnel rayonnement, qui en fait l'un des plus prestigieux et efficaces vecteurs de communication d’Antibes Juan-les-Pins et de la Côte d’Azur sur la scène internationale.

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musique dans les rues d'Antibes

07-05-2015