La Ligne Maginot des Alpes-Maritimes

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Quelques années après du dispositif de fortifications « Séré de Rivières » (lire la fiche correspondante), les Alpes Maritimes voient la construction de la ligne Maginot.. La richesse de cet ensemble patrimonial montre à quel point la frontière a pu faire l’objet, à différentes périodes, d’une forte mobilisation traduite par un équipement solide et une surveillance inquiète.

Introduction
Après la Première Guerre mondiale, malgré le retour de la paix, la défense des frontières reste un enjeu majeur pour les autorités militaires et politiques françaises. Envisagée dès l’Armistice de 1918 par le Haut Commandement militaire et fruit d’une longue réflexion, la Commission de Défense du Territoire (CDT) créée en 1922 puis la Commission d'Organisation des Régions Fortifiées (CORF) créée en 1927 par Paul Painlevé, alors ministre de la Guerre, se donne pour objectif d’étudier et de faire réaliser des ouvrages de fortification de l’armature frontalière.
Priorité dans le Sud-Est
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Bloc de l'ouvrage Maginot de Rimplas.

C’est à Rimplas en 1928, pour ériger le fort de la Madeleine, que sont lancés les premiers travaux de la CORF à l’échelle hexagonale. En effet, si l’Allemagne n’est pas encore une menace, le durcissement de la politique étrangère de l’Italie mussolinienne depuis 1926, ne cachant pas ses convoitises sur les Alpes Maritimes, incitent la Commission à œuvrer en priorité dans le Sud-Est. A partir de 1929, les chantiers se généralisent. D’autant plus que, sous la houlette du nouveau ministre de la Guerre, André Maginot, ancien combattant illustre, les crédits alloués à la construction des fortifications augmentent considérablement en 1930 à la suite d’un vote favorable de la Chambre des Députés et du Sénat. En quelques années, la célèbre « ligne Maginot » est construite à la frontière de la Belgique, du Luxembourg, de l’Allemagne, de la Suisse et de l’Italie, sorte de muraille de béton discontinue dont le but est de prévenir toute violation ou invasion du territoire national. Beaucoup d’ouvrages sont utilisables dès 1933, d’autres de manière échelonnée jusqu’en 1939.
Dispositif à quatre niveaux
Si sa réalisation n'a généralement pas toujours été conforme aux projets d'origine, à la fois pour des raisons budgétaires et techniques, la ligne Maginot se présente toutefois comme un dispositif cohérent et complexe qui s'échelonne en profondeur depuis la frontière en quatre niveaux distincts. Tout d’abord, il y a la ligne des avant-postes, destinée à détecter et à retarder une attaque soudaine en donnant l'alerte. Puis, la « ligne principale de résistance », située à quelques kilomètres des avant-postes et matérialisée par un double réseau de rails antichars et de barbelés, garde la frontière à portée des tirs à la mitrailleuse et des tirs d'artillerie. Troisième élément, les abris d'intervalles, destinés à assurer le soutien des troupes combattantes à l'air libre. Il s'agit de casernes souterraines équipées pour le combat rapproché. Enfin, l'arrière du front comporte différents équipements de soutien logistique : réseau de téléphone et d’électricité, routes et voies ferrées militaires, dépôts de munitions, casernes, etc.
Prise en compte du relief
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Ouvrage du pont Saint-Louis à Menton

En ce qui concerne la ligne Maginot des Alpes, le Secteur Fortifié des Alpes Maritimes (SFAM) prend en charge la construction de fortifications depuis le col de la Bonette jusqu'à la Méditerranée en s'étirant le long des vallées de la Tinée, de la Vésubie, autour de Sospel pour terminer au Cap Martin et à Menton. A la différence des régions du Nord et de l’Est, la ligne des Alpes prend en compte le relief très escarpé qui facilite la défense. Ainsi, les ouvrages ont pour fonction principale de verrouiller les points de passage importants (cols et débouchés de vallées). Sans constituer une ligne de feu continue et moins cuirassé en raison des difficultés à acheminer l’artillerie lourde, ce secteur montagneux est cependant puissamment barricadé apparaissant comme un solide barrage ponctuel.

La ligne principale de résistance, distante de cinq à huit kilomètres de la frontière, est envisagée par les autorités militaires qui font construire assez rapidement plusieurs gros bâtiments pour un coût total de 260 millions de francs. L’emplacement de ces ouvrages est soigneusement étudié afin d’occuper des position les plus stratégiques : celui de Rimplas (1928-32), situé au confluent de la Tinée et de Valdeblore ; ceux de Flaut et de Gordolon (1931-35), au confluent de la Vésubie et de la Gordolasque ; ceux du Monte Grosso (1931-35), de l’Agaisen (1930-37) et du Barbonnet dominant la cuvette de Sospel et le défilé de la Bévéra ; ceux de Sainte-Agnès (1932-38), du Mont Agel et de Roquebrune-Cornillat, verrouillant les corniches, enfin celui du Cap Martin (1930-34), condamnant le poste frontière du Pont Saint Louis et la voie ferrée.

88 ouvrages
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Fort du Mont Agel, Bloc cuirassé de défense des dessus

Hormis les deux forts du Barbonnet et du Mont Agel datant de la fin du XIXème siècle, modernisés avec l’adjonction de blocs d’artillerie performants, les autres gros ouvrages sont tous construits ex nihilo. Le dispositif est complété par de petits ouvrages tel que celui du col des Banquettes au dessus de Peille, ceux de la Béole et de la Baisse de Saint-Véran situés en altitude sur la commune de Breil-sur-Roya ou encore celui de la Croupe du réservoir à Roquebrune-Cap-Martin. L’ensemble architectural compte également les avant-postes typiques de la ligne Maginot comme ceux de Fressinéa, le long du Var à Rimplas, du col des Fourches sur la route qui relie Saint-Etienne de Tinée au col de la Bonette, du col de Raus dominant à plus de 2000 mètres d’altitude la stratégique vallée du Caïros, de la Pierre Pointue à Sospel, du village d’Isola ou encore celui du Pont Saint-Louis en contrebas des douanes à Menton.

Au total, le Secteur Fortifié des Alpes-Maritimes se déploie le long de la frontière italienne de Saint-Dalmas le Selvage à Menton en 88 ouvrages : 14 gros ouvrages, 20 petits ouvrages, 18 avant-postes, 2 observatoires, 34 casemates organisées sur deux lignes.

Lieux de combats ponctuels

D'abord placée sous le commandement de la 15ème Région militaire dont le quartier général est basé à Marseille, le secteur sera transféré sous le commandement de la 6ème Armée dite « armée des Alpes » qui, créée en 1939, sera dissoute quelques mois plus tard, le 25 juin 1940, non sans avoir défendu héroïquement la frontière face aux attaques italiennes. Car si la ligne Maginot n’a pas été d’une grande utilité pour repousser l’ennemi, certains secteurs des Alpes Maritimes ont été le théâtre de combats ponctuels.

Lorsque le 10 juin 1940, le royaume d’Italie déclare la guerre à la France et au Royaume-Uni, une attaque dans les Alpes Maritimes semble inévitable et le Secteur Fortifié des Alpes Maritimes est en alerte maximale. En raison de l'enneigement tardif, l’armée italienne retarde son offensive qui ne commence qu'à partir du 20 juin. Dans la partie montagneuse, les avant-postes ne sont presque pas inquiétés, rapidement protégés par les tirs venus des ouvrages de Rimplas et de Flaut. En revanche, sur le littoral, les combats sont plus importants : dès le 14 juin, le 15ème Corpo d'Armata déploie ses forces dans le cadre de l’opération Riviera. Une semaine plus tard, une partie de Menton est aux mains des troupes italiennes, même si les avant-postes résistent notamment grâce aux tirs de soutien des ouvrages du Mont Agel et du Cap Martin. Ainsi, entre le 18 et le 28 juin, la bataille du Pont Saint-Louis oppose une section de neuf hommes appartenant au 96e Bataillon Alpin. Ces soldats défendent l'accès à l’avant-poste qu’ils occupent face à plusieurs milliers de soldats italiens. Mais cette opposition ne fait que retarder l’échéance : le 24 juin 1940, un armistice est signé à Rome entre la France et l’Italie. Les fortifications du Sud-Est se trouvent dans la zone d’occupation italienne et sont évacuées avec une partie du matériel. Si cette occupation militaire ne sera effective qu’entre novembre 1942 et septembre 1943, la ville de Menton fait exception en étant immédiatement annexée avec quelques autres territoires frontaliers.

© Archives départementales 06

Plus tard, lors de l’un des derniers combats de la Seconde Guerre mondiale, en avril 1945, la ligne Maginot des Alpes est à nouveau le théâtre d’un violent combat (273 tués et 644 blessés de part et d’autre) autour du gros ouvrage du Plan Caval dans le massif de l’Authion. Les militaires allemands retranchés à l’intérieur des bâtiments s’opposent aux troupes françaises en route vers le Piémont, conformément aux ordres du général de Gaulle désireux d'occuper des territoires en vue d’obtenir des modifications frontalières.

Un patrimoine

Après la guerre, la ligne Maginot est réinvestie par l’administration militaire, mais, endommagée par les dégâts subis, par les démontages mais surtout par l’évolution des techniques de guerre, elle n'est plus opérationnelle. Le Génie entreprend bien, pour quelques cas, une remise en état partielle mais la plupart des fortifications font l’objet de nettoyage puis de fermeture. Au début des années soixante, officiellement, la ligne Maginot ne joue plus aucun rôle défensif.

Aujourd’hui, devenus patrimoine, si quelques fortifications sont encore propriété de l'Armée, la majorité a été rachetée par des particuliers mais surtout par les communes qui en font des musées entretenus et gérés par des associations comme les ouvrages de Sainte Agnès, du Cap Martin ou de Fressinéa, ouverts au public.

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