Louis Nucéra

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Grand écrivain et grand sportif, Louis Nucéra est l’auteur d’une trentaine d’ouvrages et le détenteur de milliers de kilomètres à vélo. Il est né à Nice le 17 juillet 1928 et mort « en selle » le 9 août 2000, renversé par une voiture dans la zone industrielle de Carros.

Présentation
Louis Nucéra reçut le Prix Interallié en 1981, le Grand prix de littérature de l'Académie française en 1993 pour l’ensemble de son œuvre ainsi que le Prix Pierre-Mac-Orlan en 1996. Ce Chevalier des Art et des Lettres faisaient l’admiration de personnalités aussi prestigieuses que Picasso, Kessel, Cocteau, Cioran, Brassens qui furent tous ses amis.  « L’amitié à l’inverse de l’amour, se passe de phrases qui rassurent », écrivait-il.
Enfance
Louis Nucéra est né le 17 juillet 1928 à Nice au 9, avenue des Diables-Bleus, un quartier miséreux peuplé de pauvres gens. L’appartement de son enfance est malgré tout pour lui un endroit magique et sacré, un lieu de protection, de joie, de souvenirs. Durant trente-six ans, il lui servira de repère, de refuge au point qu’en 1979, Nucéra publiera un roman qui en portera le nom. Pourtant l’appartement est modeste et donne sur une voie ferrée. Mais les trains qui passent font rêver le jeune garçon : « enfant, je les guettais et je bondissais sur la terrasse dès que retentissait leur sifflet à vapeur ». Les rêves lui permettent déjà de s’évader, de fuir l’ennui, de s’extraire d’une vie d’enfant unique sans père. Ange est plombier, « une petite gens » qui ne fréquente que des « petites gens » qui ont peur du lendemain. Il est atteint d’une maladie des poumons contractée durant la guerre 14-18. Louis n’aura pas vraiment le temps de le connaître. Son père ne sera qu’un souvenir et une tombe au cimetière qu’il va fleurir avec sa mère tous les jeudis. Sa mère… l’amour de sa vie. Pour Louis, Baptistine est toute sa vie. Quand elle mourra, le monde s’écroulera. « Le souvenir de ma mère, c’est ma symphonie interrompue. Mon crève-cœur », écrit-il dans Avenue des Diables-Bleus. Louis vouera un culte éternel à sa mère. Pour l’heure, Baptistine rêve d’un emploi stable pour son fils. Elle qui a trop connu les angoisses des lendemains incertains, espère pour Louis un avenir plus radieux. Employé municipal, fonctionnaire, serait très bien. Mais Louis rêve de devenir cycliste, un grand champion de vélo. « Je suis venu au monde à l'ombre précaire d'une bicyclette suspendue entre ciel et terre », raconte-t-il dans Mes rayons de soleil (1987). A défaut de pédaler, il comptera les billets et rendra la monnaie. Son certificat d’étude en poche, il est guichetier dans une banque. Baptistine est aux anges. Son fils est enfin tiré d’affaire. Il ne connaîtra pas la misère.
La folie d’écrire !

Durant quatorze ans, Louis se morfond au « Comptoir National d’Escompte ». Il s’ennuie mais il rêve. Il imagine comment mettre en scène toute cette comédie humaine, comment la décrire sous tous ses travers. Alors, il observe, prend des notes, retient, enregistre pour l’avenir. Dans Le Greffier, son deuxième roman, publié en 1971, il raconte : « J’étais ensorcelé par la folie d’écrire, comme un danseur noir entre en transe. Je ne pouvais plus me taire. Je me précipitais sur la page immaculée ». A l’instar d’un Louis Guilloux ou d’un Céline, toutes ces petites vies qui grouillent autour de lui l’inspirent. Il aime étudier les hommes, les décortiquer, braquer sur eux sa loupe, comme l’entomologiste avec ses insectes. Clochards, ébénistes, fonctionnaires… Louis plonge dans les entrailles de la vie humaine. Son rêve : devenir écrivain ! Alors il ose et envoie au Patriote, le quotidien communiste niçoi, un article qui retient l’attention. Une place de rédacteur bénévole lui est proposée. Louis Nucéra y fait ses gammes en racontant les rencontres sportives locales que sa plume transforme en véritables exploits olympiques ainsi que les séjours des artistes de passage à Nice (écrivains, chanteurs, acteurs…) avec lesquels généralement, il finit par se lier. Joseph Kessel, Georges Brassens, Henry Miller, Lino Ventura ou le peintre niçois Raymond Moretti, rencontrés au hasard d’une pige, deviendront ses amis pour la vie. En 1994, Nucéra racontera dans Mes ports d’attache (1994), ses heures merveilleuses passées en compagnie de Picasso ou de Jean Cocteau.

Mais la grande rencontre de sa vie, c’est Suzanne. Elle a lieu en 1958. Dans L’Ami (1974), ce fils unique, amoureux de sa mère, décrit ainsi celle qui deviendra sa femme : « J’aime la sveltesse, les filles minces, aux attaches fines, au long cou ; les filles effilées, toutes en ondes, qui dansent dans leurs gestes les plus ébauchés, hiéroglyphes physiques que je sais lire, et dont le vente plat me fait oublier le grouillement des viscères ». Son roman Le kiosque à musique (1984) sera dédié à cette rencontre

Attaché de presse chez Philips !
Depuis que l’oisillon de Nice s’est vu pousser des ailes, il rêve à présent de quitter le nid pour apprendre à voler. Il s’installe avec sa femme rue Caulaincourt dans le 18ème arrondissement, aux pieds de la butte Montmartre qui a vu éclore tant d’artistes. Ce quartier aux allures de petit village de province lui va très bien. « Avenue des Diables-Bleus, je vivais sur la voie ferrée. Ici, les arbres affleurent à mon perchoir. J’ai bien de la chance ». Grâce à son réseau, il entre chez Philips en tant qu’attaché de presse et met sa plume alerte et rapide au service des stars de la maison (Nougaro, Juliette Gréco, les Frères Jacques, Johnny Halliday…). Ses formules sont choques et permettent parfois de confirmer des carrières. Mais mettre sa verve au profit de stars souvent peu reconnaissantes, l’épuise. L’observateur inné qu’il est en écriera d’ailleurs un pamphlet : La Kermesse aux idoles (1977). Avec le moral d’acier d’un cycliste qui ne renonce jamais à grimper un col difficile, Louis Nucéra l’entêté publie en 1970, L’Obstiné, un premier roman salué par la presse louant son « style d’une rare qualité » et par un Kessel qui ne tarie pas d’éloges : « Ce livre est un cri de foi. Envers la vie. Envers l’homme. Envers l’acte d’écrire. » Le voilà lancé. Le fonctionnaire destiné aux espaces vert de la mairie de Nice est devenu un écrivain connu et reconnu. Son réseau se tisse et ses amitiés s’élargissent. Car Nucéra est un homme de cœur plus qu’un homme d’affaire.
L’éditeur
Au lendemain de la publication de son premier roman, l’éditeur Jean-Claude Lattès lui propose un poste de directeur littéraire. Pendant treize ans, ce fils de plombier qui regardait passer les trains, voit défiler les manuscrits en même temps que sont publier les siens. Naviguant entre la rue Smollett du quartier de son enfance et Montmartre, il écrit une vingtaine de romans. En 1981, c’est la gloire. Les Chemins de la lanterne, reçoit le Prix Renaudot.
La mort à bicyclette

Le mercredi 9 août 2000, Louis Nucéra monte sur son vélo et longe le Var jusqu’à Carros. Au carrefour de la 10ème rue, c’est le choc. Il est percuté par une voiture et éjecté à plus de trente mètres. L’écrivain meurt sur le coup. Aujourd’hui, La Main tendue, une stèle du sculpteur Beppo, marque le dernier endroit de celui qui aimait à dire : « J’ai eu deux passions dans ma vie : la lecture et la bicyclette ». Le lendemain de sa mort, les hommages affluaient des quatre coins du monde. Car Louis Nucéra, l’ami de tout le monde, avait partout des amis.

A Nice, la grande bibliothèque, un collège, un espace culturel, portent aujourd’hui son nom. Quel plus bel hommage pour un homme qui redoutait par-dessus tout, l’indifférence !

Bibliographie

L'obstiné (1970)

Le greffier (1971)

Cocteau - Moretti, l'âge du verseau (1973)

Les chats « Il n'y a pas de quoi fouetter un homme » (1973)

L'Ami (1974)

Dora, dans l'enfer du camp de concentration où les savants nazis préparaient la conquête de l'espace (1975)

La Kermesse aux idoles (1977)

Avenue des Diables-Bleus (1979)

Les Roues de la fortune (1980)

Le Chemin de la Lanterne (1981)

Entre chien et chat (1983)

Le kiosque à musique (1984)

Mes rayons de soleil (1987)

La chanson de Maria (1989)

Principauté de Monaco (1990)

Le ruban rouge (1991)

Mes ports d'attache (1994)

Le roi René (1997)

Villages perchés de Provence et de la Riviera

Ils s'aimaient (1998)

Parc national du Mercantour. Montagnes du soleil, avec Christine Michiels et Bertrand Bodin (1998)

Une Bouffée d'air frais (2000)

Saint-Malo, le rêve breton d'une enfance niçoise (2000)

Les contes du lapin agile (2001)

Brassens, délit d'amitié , présenté et préfacé par Bernard Morlino (2001)

Les Chats de Paris, avec Joseph Delteil (2001)

Sa majesté le chat (2001)

Le goût de Nice, avec Jacques Barozzi, Louis Aragon, et Max Gallo (2008)

Ils ont éclairé mon chemin, anthologie de critiques littéraires réunies et présentées par Bernard Morlino (2010)

Biographie : Louis Nucéra, l’homme-passion, André Asséo. Editions du Rocher

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