Le mystère Picasso, film et affiche

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En 1955, Pablo Picasso est un peintre mondialement célèbre, et Henri Georges Clouzot un cinéaste français renommé. Picasso et Clouzot désiraient faire un film ensemble. Clouzot eut l'idée de filmer le support pictural par l’arrière, il pouvait donc voir naître la création par transparence et la capter. Ce film a été tourné aux Studios de la Victorine à Nice.

Présentation

Le Mystère Picasso est un film de Clouzot tourné avec Picasso, à l'été de 1955, aux studios la Victorine à Nice.

Fiche technique :

Année de sortie : 1956
Durée : 78 mn
Genre : Documentaire
d’Henri-Georges Clouzot
Avec Pablo Picasso

Synopsis
Sur l'écran qui fait office de toile, le crayon de Picasso court avec fermeté et souplesse, un dessin s'élabore, seul s'entend le crissement du fusain. Dès le deuxième tableau, qui sera suivi d'une dizaine d'autres, une musique riche et variée accompagne le mystérieux cheminement de la création artistique. Clouzot a, pour la première fois, l'idée de filmer un peintre au travail, et plonge le spectateur au chœur de la naissance lente et difficile de son œuvre.
Genèse
Un film né d’une envie commune et d’une nouveauté technique.
En 1955, Pablo Picasso est un peintre mondialement célèbre, et Henri Georges Clouzot un cinéaste français renommé. Picasso et Clouzot désiraient, depuis une vingtaine d’années, faire un film ensemble. L'idée du film est née d’une nouveauté technique : une encre fabriquée aux États-Unis avait la propriété de transpercer le papier sans baver.
Picasso reçut ces  « markers » et ces encres spéciales, et Clouzot eut l'idée de filmer le support pictural par l’arrière, il pouvait donc voir naître la création par transparence, et la capter.
Approche novatrice

Une nouvelle manière de filmer l’œuvre en train de se créer : la caméra, placée devant le chevalet sur lequel est tendu un papier, et non derrière Picasso, capte le cheminement de la pensée créatrice du peintre.

« Cela impliquait pour Picasso de travailler en direct, sans changer ses habitudes, après avoir mis au point, dans des esquisses, les structures de sa composition. Le film saisissait seulement l'exécution, l'inscription de ses gestes, le fonctionnement de sa "main" de peintre, l'échange entre la trace et la pensée qui l'a conduite. »

Picasso ne modifiait pas sa manière de travailler, sauf à s’adapter aux changements de films dans les magasins des caméras.

De juillet à septembre 1955, Picasso et Clouzot se retrouvent tous les jours dans les Studios de La Victorine à Nice. Claude Renoir, le petit-fils du grand peintre, dirige les prises de vues.

Si l'idée de départ était de tourner un court métrage de dix minutes, ce format fut abandonné puis dépassé par la qualité et la quantité des prises de vues.

La méthode

La dernière partie du film montre le passage à la couleur. Il s’agit du film de la naissance d’une peinture à l'huile classique, filmée puis assemblée ultérieurement au montage, photogramme par photogramme. Pour montrer toutes les étapes de la genèse du tableau, Clouzot place sa caméra devant l’artiste et sa toile, et en filme chaque étape pendant quelques secondes. Sur cette dernière composition du film (composition Cinémascope de La plage de la Garoupe), Picasso travaille pendant 10 jours et 350 prises seront nécessaires à sa captation.

Le Mystère Picasso est considéré comme le premier document vrai sur la création picturale, et reçoit le Prix Spécial du Jury à Cannes en 1956.

Métamorphose et transfiguration

Le Mystère Picasso est un film précurseur. Nous voyons un artiste à l’œuvre en temps réel. Les formes et les lignes naissent à l’écran comme par magie. L’œuvre se créé progressivement, le spectateur est dans l’attente d’un aboutissement « logique » du travail de Picasso.

C’est alors que l’artiste, suivant son inspiration, cache le travail déjà réalisé par de larges « coups de pinceaux » sombres, et semble tout oblitérer. De nouvelles formes imprévues naissent, une nouvelle œuvre se créé par la transformation de la première intention.

L’œuvre est en métamorphose permanente, elle vit, change, évolue au gré des inspirations de Picasso.
Le spectateur assiste à la genèse d’une œuvre, avec des reprises, ses repentis.
Plus que le résultat, c’est le cheminement du travail qui fait sens.

Art cinéma et vidéo

Pour la première fois, le cinéma témoigne du processus créatif « sur le vif », en respectant les temps et les gestes du peintre.
Ce type de documentaire "d’artiste à l’œuvre" deviendra une forme commune jusqu’à nos jours, mais il faut souligner que le rapport entre l’image animée et les artistes dépasse le simple récit de la création. Depuis l’apparition du cinéma, puis de la vidéo, les créateurs se sont saisis de ce média, explorant des voies extrêmement diverses.

Le cinéma est une suite de pictogrammes animés à la vitesse de 24 images par seconde donnant l’illusion du mouvement. C’est donc une suite d’images dont le seul mouvement est celui créé par l’appareil qui les projette, et non par les images elles-mêmes..
(Gilles Deleuze, 'Cinéma 1. L'image-mouvement', Les éditions de Minuit, Paris, 1983).
Cette citation autorise de signaler quelques démarches artistiques questionnant ou intégrant l’image animée.

  • Yves Klein, plasticien français né à Nice en 1928, avec ses projets, ses films réalisés, et les documentaires de ses performances et actions.Le MAMAC de Nice propose ses œuvres dans ses collections, sans oublier le mur de feu sur ses terrasses.
  • Nam June Paik, né en 1932 est le premier artiste du mouvement d'art vidéo, fait interagir le visiteur à l'exposition.  Il crée des installations avec des postes de télévision et détourne son utilisation pour ses propositions artistiques.
  • Robert Smithson, né en 1938 , artiste américain du Land Art. Il construit une monumentale spirale de roches, symbole universel lié au culte solaire et à l'infini. Le film devient mémoire et support artistique de la visualisation de l’œuvre.
  • Jackson Pollock, né en 1919, peintre américain célèbre pour sa méthode du Dripping, voit sa technique révélée par la vidéo. Il utilisait des peintures liquides, très fluides, se servant des pinceaux comme des baguettes où il ne touchait presque pas la toile ; il reste juste au-dessus.
  • Bill Viola, artiste américain né en 1951, réalise des installations vidéos utilisant les écrans et les projections. « Le médium, c'est le message », le sujet devient la technologie vidéo elle-même.
Étude de l’affiche
Affiche Le mystere Picasso © Succession Picasso 2020

Affiche Le mystere Picasso © Succession Picasso 2020

L’affiche du film prend pour support un photogramme du film.
De l’ambiance sombre émergent Picasso de dos et deux de ses œuvres qui lui font face.
La lumière dirigée fait ressortir l’essentiel : l’artiste et l’œuvre.
La fumée et la position des jambes affirment la fugacité de l’instant, c’est un temps suspendu, celui de la réflexion face aux tableaux.
Le personnage, peint sur le grand support, semble se confronter à l’artiste ; son regard, sa position affirment la force de l’œuvre, celle-ci s’impose à Picasso et à l’observateur.
Sur un chevalet, le portait d’un visage endormi apporte un point lumineux et coloré.

Nous sommes confrontés à un moment de création de Picasso ; en cela, l’affiche porte l’esprit et la nature du film.

Le titre « Le mystère Picasso » porte sens à l’ambiance magique de l’instant.

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