La Promenade des Anglais, Nice

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La Promenade des Anglais, que les Niçois appellent « la Prom’ », est la voie la plus célèbre de Nice et son image de marque à l’échelle internationale. Son renom se fonde d’abord sur sa localisation, en bordure de la Baie des Anges, qui offre un magnifique panorama sur le littoral et la mer.

Introduction
La Promenade des Anglais, que les Niçois aiment désigner « la Prom’ », est la voie la plus célèbre de Nice et son image de marque à l’échelle internationale. Son renom se fonde d’abord sur sa localisation, en bordure de la Baie des Anges, qui offre un magnifique panorama sur le littoral et la mer. Il se fonde également sur une histoire particulièrement riche, qui commence en 1822, quand Nice dépendait du royaume de Piémont-Sardaigne et était déjà fréquentée en hiver par des étrangers en villégiature. Parmi ces étrangers, une majorité d’Anglais réside dans le faubourg de la Croix de Marbre, de part et d’autre de la route de France sur la rive droite du Paillon. C’est l’un d’eux, le Révérend Lewis Way, qui a l’initiative de créer une promenade le long de la mer, parallèlement à la rue de France. Il lance une souscription pour construire la route et donner ainsi du travail à de pauvres gens réduits à la mendicité. En cette première moitié du XIXe siècle, la ville proprement dite se situe sur la rive gauche du cours d’eau, dans un espace triangulaire compris entre le versant de la colline du Château, le fleuve Paillon et le rivage. Le premier tronçon réalisé, qui prend successivement les noms de Beach road puis route du Littoral, est d’abord un simple chemin de terre qui mène jusqu’à l’actuelle rue Meyerbeer. Il est élargi en plusieurs étapes : à 4 m et prolongé jusqu’au vallon de Saint Philippe en 1844, puis à 6 m en 1854. Le règlement d’urbanisme de 1858 du Consiglio d’Ornato (organisme chargé de l’agrandissement de la ville de Nice entre 1832 et 1860) exige que les constructions en bordure de la voie aient un reculement de 7 m au moins. Cet espace est réservé aux jardins et participe au charme des lieux. Cette végétation est complétée par celle plantée le long de la promenade. Les espèces ont varié dans le temps, mais ce sont les palmiers qui s’imposent finalement, porteurs d’une image d’exotisme.
Premières modernisations

Au moment du rattachement de Nice à la France, les autorités de la ville donnent à cette voie l’allure qu’elle conservera jusqu’aux années 1930 : un trottoir de 3 m au nord, une voie de 11 m pour la circulation des voitures, une allée-promenade de 15 m au sud. En 1864, le raccordement de la promenade à la ville s’améliore avec la construction du pont Napoléon (ultérieurement appelé pont des Anges) qui permet de relier la promenade des Anglais au quai du Midi (futur quai des États-Unis). Prolongée sous la IIIe République, la promenade atteint Carras en 1882 et le Var en 1903. Du Vieux Nice jusqu’à l’aéroport, elle s’étire sur quelques 4,5 km.

On emprunte cette voie pour simplement déambuler, ou pour se rendre au Bois du Var (disparu), ou bien à l’hippodrome créé en 1867 (disparu), ou encore au champ de tir (remplacé après la première guerre mondiale par l’aéroport...)  C’est au bout de cette promenade que le capitaine Ferdinand Ferber effectue à partir de 1900 de nombreux essais de vol avec un appareil accroché à un pylône (l’Aéro-club de Nice élève à cet endroit une stèle à sa mémoire en 1911). Les promeneurs admirent le spectacle de la mer. Il arrive, par temps de tempête,  que l’eau endommage la promenade et ses installations.

Rapidement, le chemin des Anglais voit s’élever des villas et des hôtels. La villa la plus ancienne, l’actuelle villa Furtado Heine, (du nom de la propriétaire qui en a fait don à l’état pour accueillir des officiers de l’armée en convalescence), est même antérieure à la promenade : elle a été édifiée en bordure de la rue de France à la fin du XVIIIe siècle par lady Penelope Rivers, femme divorcée du baronnet anglais Georges Pitt. Depuis 1961, elle est inscrite à l’inventaire supplémentaire des monuments historiques.

Villas, hôtels, palaces et casinos

Les villas situées le long de la promenade présentaient une grande diversité de gabarit et de style : depuis la petite villa de lotissement comme on peut en voir au N°105, jusqu’à l’imposante villa aristocratique, comme la villa Masséna, au N°35. Cette dernière est l’œuvre partagée de deux architectes, Aaron Messiah et Georg Tersling, réalisée pour la famille de Victor Masséna, neveu du maréchal d’Empire André Masséna. Récompensée par une médaille d’or en 1902 au concours municipal d’architecture,  elle abrite le Musée d’histoire de la ville de Nice depuis 1921 et, depuis 1975, elle est inscrite à l’inventaire supplémentaire des monuments historiques.

De grands hôtels et palaces investissent également cet espace résidentiel aristocratique ; le premier est l’hôtel Victoria ouvert en 1856, devenu ensuite hôtel de Rome et que l’on connaît aujourd’hui sous le nom d’hôtel West End. Si certains ont disparu, comme l’hôtel de la Méditerranée ou l’hôtel du Luxembourg, il reste l’hôtel Royal (de l’architecte Charles Dalmas), l’hôtel Westminster (de l’architecte Castel) et le fameux hôtel Négresco (de l’architecte Édouard Niermans). Il doit son nom à son fondateur d’origine roumaine, qui a démarré sa carrière tout en bas de l’échelle et a fait fortune grâce à ses talents de cuisinier.

Si la fonction résidentielle est dominante sur la promenade, on y trouve aussi, au N°113, le siège d’une société savante, la Société d'Agriculture, d'Horticulture et d'Acclimatation de Nice et des Alpes-Maritimes, œuvre de l’ingénieur Paul Martin, qui est inauguré en 1901 par le président de la République Émile Loubet. L’édifice est inscrit au titre des monuments historiques en 1991.

La présence de casinos confirme la fonction de villégiature de la ville. En 1891 le casino de la Jetée-Promenade est construit sur pilotis dans la Baie des Anges (détruit pendant la Seconde Guerre mondiale). Son architecture fer-verre rappelle celle du casino de Brighton.

Les résidents

Résider en bordure de la promenade n’est pas conseillé à tout le monde. Les médecins déconseillent l’emplacement aux caractères nerveux. Mais cela n’empêche pas de nombreux membres de l’élite internationale de choisir la promenade. On rencontre des têtes couronnées, comme l’impératrice douairière de Russie Alexandrovna Féodorovna qui séjourne à la villa Carlone en 1856, le roi de Bavière qui meurt en 1868 à la villa Lions, et des représentants du monde de l’art et de la culture comme la peintre, poète et diariste russe Marie Baschkirtseff au N°63 (où une plaque rappelle sa présence), le sculpteur Cordier ou le peintre Félix Ziem dans sa villa Baie des Anges. 

Parmi les membres de l’élite du monde économique, on peut évoquer le baron Paul von Reuter, fondateur de l’agence de presse éponyme, qui meurt en 1899 dans sa villa. L’Allemand Emil Jellineck-Mercedes, créateur de la célèbre marque automobile, a également donné ce nom à sa villa au N°54. Ainsi, les Anglais ne sont pas les seuls à avoir investi la promenade.

Parmi les riches résidents, on compte de généreux bienfaiteurs. Le baron de Lenval, originaire de Pologne, qui habite une villa au N°43, finance un hospice pour enfants malades à la suite du décès de son jeune fils. L’hospice Lenval qui ouvre en 1888 ne dispose que de deux lits. L’établissement est agrandi en plusieurs étapes jusqu’à l’imposante réalisation contemporaine de l’architecte Francis Chapus.

La période de l’entre-deux-guerres

La Promenade connaît d’importantes transformations pendant la période de l’entre-deux-guerres. La municipalité de Jean Médecin procède à des agrandissements et à des embellissements. Un terre-plein central et un nouveau mobilier urbain sont installés (fontaines lumineuses, candélabres, pylônes décoratifs). A partir de 1935, des pergolas donnent de l’ombre sur le trottoir sud.

Si les casinos d’avant la première guerre mondiale étaient destinés aux hivernants, le nouveau casino « Palais de la Méditerranée » est lui tourné vers une clientèle d’estivants, car c’est désormais la saison d’été qui est la saison à la mode. L’idée est celle d’un hôtelier d’origine suisse Jean Aletti, le financement est assuré par l’homme d’affaires américain Frank Jay Gould et le projet architectural est celui des architectes niçois Charles et Marcel Dalmas. Les père et fils, qui ont remporté le concours à l’unanimité, adoptent le style art déco qui renouvelle le style éclectique dominant d’avant guerre. Selon Jules Romains « la France de l’entre-deux-guerres a produit deux chefs d’œuvre : le paquebot Normandie et le Palais de la Méditerranée ». Le goût nouveau pour la baignade entraîne l’ouverture d’établissements de bain, tel L’Aquarium. Les grands hôtels aménagent des plages.  A côté des activités du corps, les activités de l’esprit trouvent au nouveau Centre Universitaire Méditerranéen un espace dédié. Il est installé en 1935 au N°65, dans l’ancienne villa Spang, réaménagée par l’architecte Grand Prix de Rome Roger Seassal.

C’est à partir de l’entre-deux-guerres que les immeubles commencent à remplacer les villas et les hôtels, sous la pression démographique et le mouvement de spéculation qui touche l’immobilier. Ainsi, en 1932, l’ancienne villa d’Ormesson est détruite pour faire place au Forum. Une nouvelle génération d’architectes exerce ses talents dans un style nouveau, l’art déco. Parmi les nombreuses façades remarquables, on citera celle de l’immeuble du Comité des Fêtes (N°5), le Palais Mecatti (N°13), le Forum (N° 45-47), le Palais Bel Azur (N°49), la Mascotte (N°167). Des architectes comme les Dikansky (Georges puis son fils Michel), ont contribué au renouvellement de l’allure de la promenade. On leur doit, avant la deuxième guerre mondiale, la Couronne (N°165) puis, après la guerre, les Loggias (au N°87), le Palais Mercedes (N° 54), les Trois Epis (au N° 50), le Grand Sud (au N°73), le Capitole et le Palais Gabrielle (au N° 51 et 52), le Palais d’Orient (au N°85) en 1960, le Palatin (au N° 43). Plusieurs générations d’édifices se succèdent comme l’actuel Hôtel Méridien qui a remplacé l’hôtel Ruhl (construit en 1912), qui lui-même remplaçait l’hôtel des Anglais (construit en 1860).

Événements et décors

Il ne suffit pas de « planter le décor » de la promenade, il convient également d’évoquer les événements qui ont pu s’y dérouler. La promenade est une voie de circulation de prestige, tournée vers le divertissement (tandis que sa parallèle, la rue de France, a une vocation plus économique). On y passe, à pied, à vélo, à cheval, en voiture puis en automobile. On s’y repose, assis sur des bancs au dossier amovible, ou sur des chaises, dont les fameuses chaises bleues d’aujourd’hui, dessinées par Jean-Michel Wilmotte, sont les héritières. On y passe pour voir et être vu, pour y être photographié. Il existe un créneau horaire dans lequel l’affluence est plus forte : "Au moment de la saison, de 3 à 5 heures, c’est sur la promenade un défilé incessant de célébrités de tout genre venues de tous les pays".

La vie y est rythmée de temps festifs : celui des courses, d’ânes ou de vélos.2  A la fin du XIXe siècle, on y organise des courses automobiles. Le record de vitesse du 120 km à l’heure y est atteint avec les Gardner-Serpollet. On y admire le passage des corsos de carnaval, ou des automobiles fleuries. On y suit les régates.

La promenade a aussi connu des épisodes tragiques, des accidents de la circulation dont le plus célèbre a entrainé la mort, le 14 septembre 1927, de la danseuse américaine Isadora Duncan, étranglée par son écharpe qui s’était prise dans les rayons de son automobile (elle animait un studio de danse au N°343 et habitait dans un immeuble contigu).

« Photogénique », la promenade est un thème privilégié des cartes postales depuis leur mise en circulation. Elle a aussi été le sujet de tableaux de grands maîtres comme Henri Matisse ou Raoul Dufy. Source d’inspiration, elle est le titre du roman de Max Gallo, ou du roman policier de Michel Grisolia. Elle offre un décor à des films comme " La Baie des Anges "de Jacques Demy. Si, en 1874, Marie Baschkirtseff écrivait déjà dans son journal : « Nice pour moi, c'est la promenade des Anglais », cette voie reste aujourd’hui encore emblématique de la ville.

1 D’Orgeval, La vie en hiver, 1888.

2 Le Journal de Nice, 16 août 1869.

Bibliographie

La Promenade des Anglais, Histoires et chroniques, Coll. Les Petits Gilletta, Ed. Gilletta*nice-matin, Nice, 2005, 63 p.

« La promenade des années 1930 », Nice historique N°1-2, 1993.

Agnes Monge, La « promenade » des Anglais, front de scène du salon de l’Europe, Ed. Territoire, 2005.

Martine Arrigo-Schwartz, De la Baie des Anges à la Promenade des Anglais, Ed. Alandis, 2005, 130 p.

Jean-Luc Guillet, La promenade des Anglais, la belle époque des villes, Ed. Baie des Anges, Nice, 2006, 81 p.

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