Juan-les-Pins, une station balnéaire

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Station de villégiature appréciée depuis les années 1920, Juan-les-Pins, surnommée la "Nouvelle-Orléans européenne" accueille depuis 1960, un célèbre festival de Jazz.

La création de la station 
Juan-les-Pins dépend de la commune d’Antibes. Ce n’est pourtant pas d’Antibes mais de Cannes qu’une initiative est lancée pour créer une nouvelle station de villégiature à Juan-les-Pins. En 1881, une société anonyme, la Société foncière de Cannes et du littoral, au capital de 4 millions de francs divisé en 8.000 actions de 500 francs, achète pour 825.000 francs tous les terrains qui longent la mer depuis la limite du Golfe-Juan jusqu’à la pointe du Cap d’Antibes, soit environ deux kilomètres le long du rivage. La station hivernale à créer sur les quelques 22 hectares devait s’appeler Albany-les-Pins en l’honneur du frère du roi d’Angleterre, Edouard VII, mais on lui préfère finalement le nom de Juan-les-Pins. La banque Rigal, de Cannes, dirigée par Léon Rigal, finance largement le projet. Parmi les investisseurs, figurent des noms prestigieux comme celui de Victor Masséna, prince d’Essling,  de la princesse Saÿn Wittgenstein, épouse du prince Chlodwig Hohenlohe, chancelier de l’empereur d’Allemagne, le duc de Vallombrosa ainsi que les maires d’Antibes Claude Vidal puis Robert Soleau.La société est rapidement mise en difficulté par des spéculateurs. Elle entreprend cependant l’ouverture d’un réseau de voirie. La construction d’une gare, de 1882 à 1886, est un atout important, qui permet à Guy de Maupassant, quand il rédige Sur l’eau, en 1887, d’envisager le développement futur de la localité : « La fumée d’un train court sur la rive allant de Cannes à Juan-les-Pins qui sera peut-être plus tard, la plus jolie station de la Côte. »Mais le contexte financier est difficile, marqué par le début de la Grande Dépression ; en 1884, la banque Rigal fait faillite. En 1890, la société décide de vendre le domaine par lots et non plus d’un seul bloc comme elle tentait de le faire jusque là. L’architecte parisien Ernest Macé entre alors en scène. Il trace le lotissement et obtient le droit exclusif de vendre les terrains. Propriétaire du Grand Hôtel de Juan-les-Pins, il est l’architecte d’un certain nombre de villas, dont la sienne dans la localité, L’Ile Verte, construite en 1891. En 1901, les acteurs changent de nouveau quand la société d’origine cède la place au liquidateur Paul Négrin puis à son neveu, Louis Jourdan.La station est enfin lancée. En 1895, la municipalité a décidé l’aménagement d’un jardin public au niveau de la Pinède. D’autres infrastructures suivent, comme une église derrière le Grand Hôtel, un bureau de poste, construit de 1901 à 1909... En 1903, on compte 92 villas, la plupart de style éclectique. Une vie de saison hivernale s’organise à laquelle prend part une société choisie : ainsi, en 1906, la reine Carola de Saxe, est en villégiature au château de Juan-les-Pins.Déjà, avant la Grande Guerre, la presse locale vante les bains de mer qui s’y développent aux beaux jours, ce qui marque l’amorce d’une station balnéaire. La présence d’une belle plage de sable est un atout de la localité. De nouveaux sports mécaniques liés à l’eau font aussi leur apparition. En 1912, Louis Paulhan fait les premières expériences d’hydro-aéroplanes. Il installe un atelier de montage et crée une école de pilotage. Après la guerre, la vogue sera lancée d’un nouveau sport de glisse, le ski nautique, tiré par des canots à moteur. 
Juan-les-Pins à partir des « Années Folles »

C’est dans les années 1920, dans le contexte des « années folles », que le succès international de Juan-les-Pins prend une nouvelle dimension. La jeunesse américaine fortunée et cultivée s’y retrouve, mais désormais en été. Le couple à la mode, et qui lance les modes, les Américains Gerald et Sarah Murphy ont acheté l’ancien Chalet des Nielles qu’ils font transformer par les architectes Hale Walker et Harold Heller, leurs compatriotes, et qu’ils rebaptisent America ; les nombreuses réceptions qu’ils y organisent contribuent à faire connaître la station. Parmi leurs amis, on compte un autre couple d’Américains, Scott et Zelda Fitzgerald qui ont loué la villa Saint Louis. Les Fitzgerald sont des icônes de cette société qui s’étourdit dans la fête et que l’on retrouve dans l’œuvre du romancier Tender is the night. L’hôtelier Boma Estène agrandit et surélève la villa où ils résident et qui devient l'Hôtel Belles Rives.

Après  les rigidités morales de la Belle Epoque et les souffrances de la guerre, s’affirme une nouvelle soif de vivre qui s’incarne largement dans l’évolution de la station. Des personnalités naturellement excentriques ou désinhibées par la consommation des cocktails affichent des mœurs plus « libérés ». Cela passe par une libération du corps, que l’on expose désormais au soleil de l’été pour bronzer, sur la plage ou nager dans la mer. Les femmes aussi y sont émancipées, adoptant des allures à la garçonne, choisissant des vêtements souples comme les fameux pyjamas et des hauts avec dos nus. Toute cette société jeune, moderne et insouciante, est photographiée entre autres par Jacques-Henri Lartigue. 

Juan-les-Pins est aussi un lieu de liberté créatrice où on peut aussi croiser des peintres, comme Marie Laurencin ou Pablo Picasso. Celui-ci réside plusieurs étés dans des villas louées, la villa La Vigie ou Chêne-Roc, représentées sur plusieurs toiles, et peint les paysages de Juan-les-Pins. Des écrivains  fréquentent aussi la station, tels Dos Passos ou Georges Simenon.

Comme la nouvelle saison d’été s’enchaîne à la traditionnelle saison d’hiver, les nuits festives s’enchaînent aux journées. Parmi les vedettes qui animent la vie nocturne, on trouve celles du music hall comme Mistinguett et Maurice Chevalier. Se rencontrent aussi celles du cinéma, comme Rudolph Valentino ou Douglas Fairbanks.

Des hommes d’affaires ne tardent pas à amplifier le phénomène par leurs investissements réfléchis. Edouard Baudoin, qui a déjà dirigé plusieurs casinos, rachète celui de Juan-les-Pins pour lui donner une nouvelle jeunesse. Il y ouvre un restaurant,  organise des spectacles avec des groupes à la mode comme les Dolly Sisters, des galas comme celui des costumes en papier, des concours en tous genres, comme celui des maillots de bain, le plus beau ou le plus original... En 1928, un journaliste de L’Eclaireur de Nice et du Sud-Est écrit que c’est E. Baudoin qui, « d’une pinède déserte et d’une plage de sable abandonnée a fait cette merveille d’animation, de gaîté et de chic qu’est la plage de Juan-les-Pins ». Un boulevard porte aujourd’hui le nom de cet entrepreneur.

L’autre grand homme d’affaires impliqué dans la réussite spectaculaire de la station est le financier américain Frank Jay Gould, fils héritier de Jay Gould qui avait fait fortune dans les chemins de fer. Lui aussi a déjà une expérience dans le développement des stations à la mode (à Maisons-Laffitte et à Granville). Il finance un nouveau Palace, Le Provençal, construit dans le style néo-provençal sur les plans de l’architecte Lucien Stable en 1927. Avec son épouse Florence, ils achètent la villa La Vigie, qui devient le salon fréquenté par tout le gotha intellectuel (Paul Morand, André Gide, Jean Cocteau…). Aux nouveaux établissements hôteliers et de loisirs s’ajoutent de nouvelles villas comme la villa de style néo-mauresque El Djezaïr, construite en 1926.

Après la seconde guerre mondiale le succès de Juan-les-Pins s’amplifie encore avec la place grandissante occupée par le jazz et les jazzmen les plus renommés. Sidney Bechet  se marie, en 1951, dans cette « Nouvelle-Orléans européenne », et y joue pour la première fois In the Streets of Antibes. La pinède accueille le festival de jazz à partir de 1960. 

Bibliographie

- Marie-Antoinette Settineri. Antibes sous la mandature de Robert Soleau, in Recherches régionales, n°163, juillet-septembre 2002. 

- Xavier Girard. Les années Fitzgerald, La Côte d’Azur 1920-1930, Assouline, Paris, 2002, 196 p

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