
La Vida de Sant Honorat
C'est un long poème de 4127 vers en partie rimés, divisé en 119 chapitres répartis en 4 livres. Il est écrit en langue d'oc * (1)datant de l'an 1300 et dédié à la reine Marie de Hongrie. Il existe plusieurs versions recopiées et traduites, dont certaines dénaturent le texte d'origine. Certains mots de la Vida sont typiquement « gavots » (provençal alpin) prouvant ainsi que son auteur est originaire de la région de Nice.

La vie de Saint Honorat. Artiste: École Juan Joffre. Gravures intercalée dans le texte représentant Saint Honorat et sa vie.
Livre imprimé sur papier 20,5 x 13,3 cm, 152 pages, 31 octobre 1513,Valencia (Espagne).
Barcelone , Biblioteca Nacional de Catalunya , MS1412

La vida de Sant Honorat (la vie de Saint Honorat), légende en vers provençaux du XIIIe siècle / par Raymond Féraud

La vida de Sant Honorat (la vie de Saint Honorat), légende en vers provençaux du XIIIe siècle / par Raymond Féraud, page de titre.

La vie de Saint Honorat. Artiste: École Juan Joffre. Gravures intercalée dans le texte représentant Saint Honorat et sa vie.
Livre imprimé sur papier 20,5 x 13,3 cm, 152 pages, 31 octobre 1513,Valencia (Espagne).

Gravure, Saint Honorat évêque
Le texte et la langue | ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
Daté de 1300, c'est un long poème de 4127 vers en partie rimés, divisé en 119 chapitres répartis en 4 livres. Il est traduit du latin ou plutôt adapté en langue d'oc * (1) et dédié à la reine Marie de Hongrie. Il existe plusieurs versions recopiées et traduites, dont certaines dénaturent le texte d'origine. Certains mots de la Vida sont typiquement « gavots » (provençal alpin) prouvant ainsi que son auteur est originaire de la région de Nice. Livre empreint de spiritualité selon la foi chrétienne, il contient des considérations religieuses explicites. Dans cette légende, l'Histoire et la fable se mêlent, d'où des anachronismes : par exemple, Honorat est contemporain de Charlemagne, alors que quatre siècles les séparent dans l'Histoire. Le récit est souvent inégal, entre longueurs et épisodes rythmés ; il peut paraître naïf, il reflète en réalité l'esprit de l'époque où la littérature n'avait pas encore de codes conventionnels et où les précisions historiques et géographiques étaient méconnues. La grandeur et la magnificence sont omniprésentes dans les personnages (sacrés, historiques et de grande noblesse donc de pouvoir) ou les lieux (Rome, Jérusalem) ; les procédés littéraires vont de pair (superlatifs, adjectifs, nombres, etc.), ainsi que les nombreux prodiges dans l'action. |
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L'auteur | ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
Raymond Feraud était de noble lignée, mais on ne sait pas ses origines exactes, d'Ilonse (village médiéval de la vallée de la Tinée) ou de Glandèves (ancien évêché disparu fin XIVe siècle près d'Entrevaux). Il serait né vers 1245 et mort vers 1325. Selon Nostradamus, dans la première partie de sa vie, il traduisit de nombreux livres en provençal, fréquenta beaucoup la cour du comte Robert de Provence dont il avait chanté les louanges, et fut « amoureux, et vray courtizan », ce qui fait de lui un troubadour * (2). Puis changement radical : il rentra dans les ordres et se fit moine au monastère de Lérins où il écrivit cette légende * (3) mystique. Il aurait fini sa vie à Roquestéron. Honorat, Fondateur de l'abbaye de Lerins Honorat (ou Honoré) était d'une illustre famille du nord de la Gaule. Avec son frère Venance, il fuit sa famille pour se consacrer au sacerdoce (rôle d'un prêtre) et partit en Italie avant de revenir s'installer en Provence. C'est vers 410 qu'il fonda l'abbaye à Lérins * (4) ; il fut aussi archevêque d'Arles. Beaucoup de personnages célèbres sanctifiés (Un saint est une personne qui selon l'Église a vécu une vie exemplaire et a été canonisé. Il y eut Saint Véran, Saint Porcaire, Saint Cassien, Saint Patrick, Saint Aygulf, Saint Mayme, Saint Léonce, Saint Lambert, Saint Hilaire, Saint Nazaire... qui furent aussi évêques ou archevêques) sont passés par Lérins. |
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Lerins, lieu de saints et de miracles | ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
Beaucoup de légendes relatives aux îles de Lérins trouvent leur source dans les miracles de La Vida. Ces miracles sont souvent le reflet de ceux de la Bible, par exemple les guérisons de malades par simple contact avec un saint ou son vêtement, ou les visions prémonitoires. Ils étaient nécessaires pour marquer les esprits et imposer le respect de la foi chrétienne et de l'Église à la fin de l'Antiquité, car les croyances païennes (adeptes des cultes polythéistes gréco-romains) étaient encore vivaces. Ils servaient aussi à affermir la foi des jeunes moines engagés dans une vie de sacerdoce. Parmi les plus spectaculaires, on trouve celui de Sant Honorat débarrassant l'île des serpents * (5) ou de l'enlèvement dans les airs d'Ambroise * (6), ou bien encore l'épisode merveilleux avec l'idole de la Turbie * (7) ou la source miraculeuse * (8). |
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L'histoire | ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
C'est une épopée, celle du prince Andronic, qui va devenir Sant Honorat, aux pouvoirs extraordinaires. Le récit met en scène une lutte permanente entre le bien et le mal à travers divers combats et conquêtes de Charlemagne notamment. Le merveilleux relance sans cesse l'aventure à travers des personnages (le Christ, le diable, des saints, etc.) et des actes miraculeux (visions, guérisons, intercessions divines, sauvetages, etc.) ou des phénomènes surnaturels. L'action est pleine de rebondissements, les lieux sont multiples, les sentiments humains sont parfois développés, le tout avec des relations constantes à la foi chrétienne et à son implantation à la place des vieilles croyances de l'Antiquité. Ainsi, parmi les ennemis d'Honorat apparaissent les Manichéens (adeptes de la religion dite manichéisme où un strict dualisme oppose le bien et le mal). | ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
1ère note | ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
Langue d'oc : langue romane aujourd'hui dite « régionale », dans le sud de la France, comprenant les dialectes gascon, languedocien, auvergnat, provençal et nissart. Raymond Féraud annonce son choix linguistique dans la préface :
EXERCICE DE LANGUE D'OC (niveau A1) :Les mots de vocabulaire simple dans La Vida sont restés sensiblement les mêmes aujourd'hui en nissart ou en provençal. Complétez le tableau suivant :
Réponses dans l'ordre en occitan (ici le nissart) et en français : peira (pierre) – aiga (eau) – bauma (grotte) – flume (fleuve) – man (main) – pous (puits) – gauch (plaisir) – crestian (chrétien) – vida (vie) – malautia (maladie) |
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2ème note | ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
Troubadour : poètes de langue d'oc qui ont inventé l'art du « trobar » (trouver) et l'amour courtois. Cette littérature, la plus raffinée de son temps, fut exportée dans toutes les cours d'Europe du XIIe et XIIIe siècles. N'importe qui d'instruit pouvait être troubadour, même les moines ou les femmes. Ils ont influencé les trouvères français de langue d'oïl. | ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
3ème note | ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
Légende : une légende est un récit à caractère merveilleux, où les faits historiques sont transformés par l'imagination populaire ou par l'intervention poétique. À l'époque de l'auteur, on croyait fermement à ces légendes comme étant vraies, avec même une certaine exaltation ; du reste, dans la préface de la Vida, le lecteur est averti qu'il n'y trouvera « rien que la vérité pure ». | ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
4ème note pour « Lérins » | ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
Les noms de lieux (toponymes) et de personnes (patronymes) ont évolué au cours des siècles. Soit ils ont radicalement changé, soit ils ont été modifiés selon l'orthographe. Ainsi, dans La Vida, la grande île de Lérins avant de s'appeler Sant-Honorat, était « l'ysla Auriana », tandis que la petite (actuellement Sainte-Marguerite) était « la trapa ». Cannes est appelée « Villefranche » ou bien encore « Arluc ». Quant à Lérins, c'est le nom originel de deux serpents monstrueux : Rin et Léry. Enfin, certains noms sont demeurés les mêmes ou pratiquement, comme « la maure » qui est toujours le massif des Maures (appelé ainsi car habité un temps par les Maures ou Sarrasins) ; tout à côté de l'Estérel (« Estelell » dans le poème). EXERCICE : Reliez ces patronymes tirés de La Vida à leur nom actuel
Quels noms de lieux vous rappellent Cassien et Véran ? Réponses : Loys / Louis – Karlles / Charlemagne – Cassianz / Cassien – Venantz / Vénans – Caprasi / Caprais – Lyontz / Léonce – Ambrueys / Ambroise – Costanza / Constance – Verans / Véran – Ylaris / Hilaire – Nazaris / Nazaire – Maymes / Maxime Solution : Le lac de St Cassien (Var) et la commune de St Véran (Hautes-Alpes). |
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5ème note | ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
Serpents : l'île choisie par Honorat était (réellement) infestée de serpents (symboles du mal et de la tentation). Dans une vision, St Caprais et St Vénans apparaissent et lui prédisent comment il se débarrassera des serpents et dragons ; en effet, il les exterminera par un simple signe de croix, avant de se réfugier dans un palmier.
De là, la palme sur les armoiries de Cannes. Par ailleurs, juste auparavant dans l'histoire, c'est entre deux palmiers que les deux saints lui demandent de creuser un puits « d'où sourdra l'eau douce au milieu de la pierre ». EXERCICE DE LANGUE D'OC (niveau A2) :Transcrire en occitan d'aujourd'hui les vers recopiés ci-dessus (ou en partie). Quelles conclusions tirez-vous ? EXERCICE D'OCCITAN ET DE LATIN COMPARES (niveau A2) :Voici un autre extrait de la Vida : « … tot cant obs m'era » ; en latin, ce serait : « tot quantum opus mihi erat » (« autant que besoin m'était », « autant que j'en avais besoin »). Que remarquez-vous en comparant l'occitan et le latin ici ? A quoi voit-on que c'est le latin le plus ancien des deux langages ? Réponses : l'occitan est proche de la langue mère qui est plus ancienne car elle est plus longue (une langue évolue vers le raccourcissement, en général) |
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6ème note | ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
Ambroise : En un lieu nommé Arluc (qui serait en fait le Cannes actuel), on avait construit un grand autel pour adorer « le bouc » (représentation commune du diable au Moyen Âge).
Un jeune homme qui s'y rendait, Ambroise, fut alors enlevé par des démons et emporté dans les airs.
En passant au-dessus de l'île de Lérins, il prie St Honorat qui, depuis le Ciel où il demeure après sa mort, immédiatement intervient :
Sain et sauf, Ambroise est accueilli dans l'église, puis se fait moine, et l'on défriche le bois d'Arluc et en lieu et place de l'autel maléfique, un couvent est bâti ; ceci illustre les remplacements de lieux de cultes «païens » par des édifices chrétiens, ainsi que du défrichement des forêts et lieux sauvages pour en faire des champs cultivés,selon la règle des Bénédictins.
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7ème note pour « idole de la Turbie » | ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
Episode de l'idole de la Turbie
traduction A.L. Sardou
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8ème note pour Source miraculeuse | ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
Pour Source miraculeuse
Honorat s'adresse alors à Dieu et fait référence à la Bible :
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