La Baie des Anges, film de Jacques Demy

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La Baie des Anges est un film français en noir et blanc de Jacques Demy, tourné en 1962 à Paris et sur la côte d’Azur (Nice, Cannes et Monaco).  

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Fiche technique
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Réalisation : Jacques Demy

Scénario : Jacques Demy

Acteurs principaux : Jeanne Moreau, Claude Mann, Paul Guers

Musique : Michel Legrand

Assistants réalisateur : Costa-Gavras et Claude Zidi

Année de sortie : 1963

Origine : France Durée : 90 minutes

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Synopsis

Jean Fournier est un modeste employé de banque qui mène une petite vie tranquille, sans histoire. Jusqu’au jour où l’un de ses collègues l’initie à la roulette dans un casino.

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Ayant eu la chance du débutant, Jean gagne beaucoup d’argent et attrape vite le virus du jeu. Il quitte tout et part pour la Côte d’Azur. Flambant de casino en casino, Jean rencontre Jackie, une femme divorcée, possédée par le jeu. Il tombe immédiatement amoureux d’elle. Partagés entre l’amour et le jeu, ils vont vivre une passion aussi dévorante que lamentable.

Genèse

En 1962, Jacques Demy sort tout juste de Lola, son premier film et premier grand succès. Pour son deuxième film, il rêve de réaliser une comédie musicale en couleur, Les Parapluies de Cherbourg. Mais le projet fait peur et aucun investisseur ne veut mettre de l’argent.

Pour tenter d’en trouver ailleurs, Jacques Demy et sa productrice, Mag Bodard, se rendent ensemble au Festival de Cannes. Mais tout le monde refuse de financer un tel film. La productrice lance à Jacques Demy sous forme de boutade : « Je vous emmène au casino, on va gagner de l’argent pour faire le film ! » Pour la première fois de sa vie, Jacques Demy pénètre alors dans un casino. Mais le cinéaste ne joue pas, il observe. Devant le spectacle fascinant et pathétique des joueurs, envouté par la puissance de la dramaturgie qui s’exhale de toute cette faune de passionnés, il a l’idée d’un film. De retour à Paris, il écrit le scénario de La Baie des Anges en quinze jours et tourne le film dans la foulée. Jacques Demy explique que « l’idée du film est née d’une impression de casino où j’ai découvert une singulière collectivité, une foule absente, hagarde, possédée et dont l’expression traduisait bien l’angoisse et la déchéance morale. Déchéance qui peut être rachetée par l’amour comme j’ai tenté de le montrer à travers un couple de joueurs qui cherchent à s’entraider pour remonter à la surface […] C’est ce combat qui me parait essentiel et grâce à quoi les deux personnages ont un intérêt. Aussi la roulette reste un prétexte et je crois avoir fait plutôt un film de moraliste ».

Filmer la passion

« J’ai voulu démonter et démontrer le mécanisme d’une passion. Cela pouvait être aussi bien l’alcool que la drogue, par exemple. Ce n’était pas le jeu en soi », explique Jacques Demy à propos de son film. La passion est au centre de la vie et de l’œuvre du cinéaste. Et si la passion est partout dans ses films, c’est parce que Jacques Demy est un homme passionné. Il était déjà un enfant passionné, qui n’avait qu’une seule idée en tête : faire du cinéma. Cinéphile fan des films de Carné, Minnelli et d’Ophuls, mordu de techniques, il invente très jeune dans le grenier de ses parents des courts-métrages d’animation faits de personnages en carton qu’il filme image par image. Après avoir suivi des cours aux Beaux Arts de Nantes et à l’Ecole technique de photographie et de cinématographie à Paris, il se lance dans le documentaire – un genre qui influencera son œuvre. Il y a en effet un côté très « documentaire » dans La Baie des Anges, sur la manière d’aborder et de filmer le monde du jeu et le milieu des casinos.

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Mais ce qui intéresse principalement Jacques Demy, c’est la passion amoureuse, la seule qui selon lui permet de s’extraire de la réalité et de rendre la vie plus magique et plus poétique. Pour l’incarner, Demy choisit à nouveau Jeanne Moreau qu’il avait dirigée dans son premier film, Lola. Avec sa blondeur platine, son air de femme-enfant, et sa manière de parler à toute vitesse, l’actrice a subi une véritable transformation. Après Jules et Jim et son incarnation de la femme romantique, la voilà projeté ici dans un personnage beaucoup plus excessif, plus fou, plus féérique. Dans ce film, véritable documentaire sur les vices et la passion destructrice, Demy joue avec les contrastes. La virevoltante et insouciante Jeanne Moreau tranche avec le réservé et timide employé de banque. Sa blondeur  lumineuse s’oppose à l’air ténébreux de Claude Mann ; sa fougue, son exubérance à elle, vient contrecarrer son ennui à lui, sa fadeur. Elle est le feu, il est la glace. Au niveau de l’image, le cinéaste traduit cette différence en s’amusant avec le noir et blanc et en jouant les contrastes. Il souligne ainsi le conflit entre les personnages, le choc entre deux mondes que tout oppose d’abord et qui fusionne ensuite. Il parvient avec le noir et blanc à créer l’illusion que chaque personnage possède sa propre couleur et que ces couleurs se mélangent pour en donner une troisième, celle de la passion amoureuse. Dans la lumière éclatante de la Côte d’Azur, les deux personnages apparaissent comme des monstres nocturnes qui s’agitent toute la nuit dans des casinos mais que l’amour finit par illuminer. Les intérieurs sombres et glauques des casinos s’opposent aux extérieurs éclatants et ensoleillés des extérieurs, reflétant ainsi le conflit entre les démons intérieurs et la personnalité extravertie qui habite les personnages. L’ombre contre la lumière, le Ying contre le yang, la nuit contre le jour, le jeu contre l’amour, la vie contre la mort.  

Cinéma et conte de fée

Comme dans toute son œuvre, Demy filme ici la réalité comme un véritable conte de fée. Le film va au-delà de la simple histoire de Casino et de la banale aventure de deux joueurs qui s’éprennent l’un de l’autre autour d’un tapis vert. Le film est une véritable allégorie du jeu de l’amour et du hasard, de la jeunesse et de la métamorphose des êtres.

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Deux personnages que tout oppose sont mis en présence, tel le loup avec l’agneau, la sorcière avec l’enfant ou le pantin de bois avec la fée. Puis la roue tourne, le hasard entre en scène et les personnages se transforment comme par miracle. Le petit banquier devient un joueur compulsif qui est irrésistiblement attiré par la fée maléfique, incarnation de la passion tentatrice et destructrice. La femme, atteinte par l’âge et rongée par le vice, se voit quant à elle, métamorphosée en une femme plus jeune, plus jolie, que le regard du jeune homme (véritable fontaine de jouvence) transforme et qui lui permet de retrouver sa naïveté, son enthousiasme, de retrouver sa pureté d’antan, de renaitre en une autre. Mais comme dans tout conte, les personnages payent très cher leur vice. La pauvreté les rattrape, le hasard se retourne contre eux, cette fois comme un mauvais sort. La princesse de la nuit devient une pauvre femme le jour, et le prince charmant, un pauvre hère sans avenir ni argent. Mais il n’y a de salut que dans l’amour. Le « baiser final » laisse la vie sauve aux personnages et tout finit bien.

Étude de l’affiche

L’affiche renvoie à la passion de Jacques Demy pour la peinture.

© ciné tamaris, droits réservés

Affiche du film La Baie des Anges, Jacques Demy, 1962

Élève des Beaux Arts de Nantes, le cinéaste fut très marqué par des peintres comme Leonor Fini qui faillit d’ailleurs dessiner les costumes de son film Peau d’âne, ou de David Hockney pour ses lumières de la côte californienne. Mais celui qui eut le plus d’influence sur Demy est certainement Raoul Dufy. Le bleu marin de son aquarelle La Baie des Anges n’est pas sans rappeler celui de l’affiche du film. Sur ce bleu à la fois bleu «mer » et bleu « nocturne », Jeanne Moreau, avec sa blancheur presque diaphane et son porte cigarette, représente à la fois l’image d’une fée de la nuit et d’une « Cruella » irrésistible, d’une sirène maléfique dont le « chant » fera dévier le destin du jeune homme. En bas de l’affiche, comme écrasé par la « démonique » femme fatale, le couple, à la fois fasciné et effrayé par la roulette, est cerné entre l’amour et le jeu. Prisonnier d’un même destin, l’homme en noir (il est l’ombre) et la femme en blanc (elle est la lumière) sont serrés l’un contre l’autre, unissant ainsi leur passion.

Lexique du cinéma

Angle de prise de vue
L’angle de prise de vue détermine le champ visuel, ce qui sera à l’intérieur du cadre. Il dépend de la position de la caméra mais aussi de la distance focale utilisée.

Champ
Le champ correspond à tout ce qui sera visible à l’écran. Il est déterminé par le réalisateur en fonction de l’angle de prise de vue de la caméra.

Contre-champ
Le contre-champ consiste en une prise de vue effectuée dans la direction opposée à celle du plan précédent. Il révèle le point de vue de champ précédent.

Contre-plongée
La contre plongée consiste en une prise effectuée avec un angle au-dessous de l’objet ou du personnage présent dans le plan. La caméra « regarde » de bas en haut.

Décor naturel
On parle de décors naturels, en opposition aux décors artificiels construits en studio,  pour les extérieurs mais aussi pour tous les bâtiments réels.

Fondu
Le fondu est un enchainement d’une image à une autre. Généralement utilisé pour marquer la fin (fermeture) et le début (ouverture) d’une nouvelle séquence. Le fondu peut être « enchainé » (les deux images sont en surimpression pendant un court laps de temps) ou encore « au noir » (l’image s’obscurcit progressivement jusqu’à devenir totalement noire. La nouvelle image apparaît alors).

Insert
Plan ou gros plan généralement bref, inséré au montage entre deux images. 

Montage
Le montage est l’étape principale de la post-production. Elle consiste à choisir parmi les différents plans obtenus lors des prises de vue, à les assembler et les raccorder dans l’ordre déterminé préalablement par le découpage.

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