Le renouveau de l’art sacré au XXe siècle

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L'art sacré est l'art commandé par l'Église catholique, qu'on peut aussi bien nommer "l'art d'église". Le renouveau de l'art religieux catholique qui suit en France la Seconde Guerre mondiale correspond aux grands chantiers de la reconstruction ainsi qu'à un désir de réconciliation entre l'Église et l'art moderne.

La chapelle Cocteau, Villefranche-sur-Mer

En 1957, après de nombreux séjours à l’Hôtel Welcome de Villefranche-sur-Mer, Jean Cocteau entreprend la décoration de la chapelle Saint-Pierre, en signe d’amitié envers les pêcheurs du village, propriétaires de la chapelle. Aujourd’hui, ce lieu peut être visité. On peut y voir des scènes inspirées de la vie méditerranéenne locale ainsi que des épisodes de la vie de saint Pierre, patron des pêcheurs. 

Préambule

Réfléchir au rôle que peut jouer l'art dans l'enseignement du fait religieux, c'est découvrir l'importance qu'ont, pour la formation des élèves, non des faits historiques ou des textes, mais des œuvres qui se prêtent à une expérience physique et sensible avant d'être intellectuelle.

Le renouveau de l'art sacré dans les années 1945-1960 et la " querelle de l'art sacré ", Paul-Louis Rinuy

En quoi consiste le « sacré » dans une oeuvre religieuse ?

Le sacré se situe à la rencontre d’une entité matérielle et d’une réalité surnaturelle – un lieu peut être sacré, une personne peut être sacrée, un objet peut être sacré. Il y a toujours la rencontre du tangible et de l’invisible, du charnel et du surnaturel. Pour les catholiques, l’objet sacré type, c’est l’eucharistie. Ce n’est qu’un tout petit morceau d’un pain azyme, mais qui est chargé d’une présence divine.

Marcel Gauchet in Diversité n° 142, entretien de Marcel Gauchet

L'art sacré en France au temps de la reconstruction et dans les années 1950

L'art sacré est l'art commandé par l'Église catholique, qu'on peut aussi bien nommer "l'art d'église".

Le renouveau de l'art religieux catholique qui suit en France la Seconde Guerre mondiale correspond aux grands chantiers de la reconstruction ainsi qu'à un désir de réconciliation entre l'Église et l'art moderne.

Ce mouvement de fond a commencé avant la Seconde Guerre mondiale et s'est notamment incarné dans les nouveautés architecturales et liturgiques des années 1920, très présentes en Allemagne et en Europe du Nord.

En France, malgré la fondation des Ateliers d'Art Sacré par Maurice Denis et Georges Desvallières en 1919, l'art d'église est peu novateur en regard des arts de l'époque.

Pendant la période des Trente Glorieuses naît ainsi un renouveau des commandes sacrées qui fera date dans l'Histoire de l'art.

C'est pour revivifier cet art religieux catholique qu'est créée en 1935 la Revue l'Art Sacré. Deux dominicains, le Père Régamey et le Père Couturier, en assurent la direction jusqu'en 1954.

Le Père Couturier, artiste formé au départ dans les Ateliers d'Art Sacré de Maurice Denis, fait un constat critique de la médiocrité et l'académisme de l'art religieux.

Il affirme trois grandes directions :

-        choisir l'art vivant, " parier sur le génie " contre l'académisme;

-        se fonder sur une Tradition vivante, en finir avec le néo-médiéval et le néo-primitif ;

-        faire appel à toutes les bonnes volontés avec comme seul critère la qualité. "Aux grands hommes, les grandes œuvres".

Quelques grands chantiers exemplaires

La Chapelle des Dominicaines à Vence, 1951, par Henri Matisse.

Cette œuvre m'a demandé quatre ans d'un travail exclusif et assidu et elle est le résultat de toute ma vie active. Je la considère malgré toutes ses imperfections comme mon chef d'œuvre.

«  Je veux que ceux qui entreront dans ma chapelle se sentent purifiés et déchargés de leurs fardeaux. Même sans être croyants, ils se trouvent dans un milieu où l'esprit s'élève, où la pensée s'éclaire… cette chapelle n'est pas " Frères il faut mourir " C'est au contraire " Frères, il faut vivre " ».

Chapelle du Rosaire, Vence, Henri Matisse

L’artiste Henri Matisse conçoit la chapelle du Rosaire à Vence dans sa totalité : le plan, la décoration faite de vitraux, de céramiques, les objets du culte.
Cette œuvre m’a demandé quatre ans d’un travail exclusif et assidu, et elle est le résultat de toute ma vie active. Je la considère malgré toutes ses imperfections comme mon chef-d’œuvre.
Henri Matisse

L'église du Sacré-Cœur d'Audincourt de Maurice Novarina, décorée par Bazaine et Léger, 1951.

audincourt

" … Magnifier les objets sacrés, clous, ciboire ou couronnes d'épines, traiter le drame du Christ, cela n'a pas été pour moi une évasion... J'ai simplement eu l'occasion inespérée d'orner de vastes surfaces selon la stricte conception de mes idéaux plastiques. Je désirais apporter un rythme évolutif de formes et de couleurs pour tous, croyants et incroyants, quelque chose d'utile accepté aussi bien par les uns que par les autres, du seul fait que la joie et la lumière se déversent dans le cœur de chacun ".

La chapelle Notre-Dame-de-Toute-Grâce, à Assy (Haute-Savoie) 1937-1946.

assy

Construite par Maurice Novarina, bénie le 4 août 1950, à la décoration de laquelle ont participé Rouault, Bonnard, Lurçat, Braque, Bazaine, Matisse, Lipchitz, Berçot, Brianchon, Germaine Richier .

Elle suscita de violentes controverses, en raison de son modernisme. Elle est considérée comme l’édifice clé du renouveau de l’art sacré au XXe siècle.

La chapelle Notre-Dame-du-Haut à Ronchamp, par Le Corbusier, 1953.

Pour ce projet, il est fait appel à l’architecte Le Corbusier, seul architecte capable à donner une nouvelle impulsion à l’architecture sacrée contemporaine.

« J’ai voulu créer un lieu de silence, de prière, de paix, de joie intérieure », précise Le Corbusier le jour de l’inauguration.

La chapelle Notre-Dame du Haut est constituée des matières telles que le béton, la pierre, le bois, la fonte de fer, le bronze, l’émail et le verre. La coque de la toiture est réalisée en béton brut. Le Corbusier a créé une œuvre mettant en valeur la matière et la lumière, semblable à une arche blanche, percée d’ouvertures aux vitrages colorés. La chapelle est un manifeste de l’architecture sacrée moderne.

La "querelle de l'Art sacré »

Une véritable querelle se déclenche sur l’église Notre-Dame des malades d’Assy. Au moment de sa consécration, en 1950, cette église choque les traditionalistes du clergé français. Les intégristes attaquent le « modernisme » artistique et les œuvres modernes.  La polémique se concentre sur le crucifix du maître autel d’Assy, de Germaine Richier, accusée de profanation, rejet de l'humain et refus du divin. Le retrait de l’œuvre provoqua un scandale qui attaquait la création artistique.

Cette querelle concerna aussi la chapelle des Dominicaines de Vence, l’église du Sacré-Cœur d’Audincourt, la chapelle N-D du Haut à Ronchamp.

Cette querelle entraîne des réactions autoritaires de l'Église, tant en France qu'au Vatican où dans l'Instruction du Saint Office, publiée le 30 juin 1952 (… il faut ne confier les créations artistiques dans l'Église "qu'à des hommes qui soient capables d'exprimer une foi et une piété sincères ").

Tout cela vient briser durablement l'élan du Renouveau de l'Art Sacré en France.

Le crucifix de G. Richier fût réhabilité vingt ans plus tard, et de retrouvera sa place d’origine dans l’église d’Assy.

La présence de l’art sacré du XXe siècle dans les Alpes-Maritimes
  • Chapelle saint Pierre, Jean Cocteau, Villefranche-sur-Mer

La chapelle Cocteau, Villefranche-sur-Mer

En 1957, après de nombreux séjours à l’Hôtel Welcome de Villefranche-sur-Mer, Jean Cocteau entreprend la décoration de la chapelle Saint-Pierre, en signe d’amitié envers les pêcheurs du village, propriétaires de la chapelle. Aujourd’hui, ce lieu peut être visité. On peut y voir des scènes inspirées de la vie méditerranéenne locale ainsi que des épisodes de la vie de saint Pierre, patron des pêcheurs. 

  • Chapelle du rosaire, Henri Matisse, Vence

Chapelle du Rosaire, Vence, Henri Matisse

L’artiste Henri Matisse conçoit la chapelle du Rosaire à Vence dans sa totalité : le plan, la décoration faite de vitraux, de céramiques, les objets du culte.
Cette œuvre m’a demandé quatre ans d’un travail exclusif et assidu, et elle est le résultat de toute ma vie active. Je la considère malgré toutes ses imperfections comme mon chef-d’œuvre.
Henri Matisse

  • Chapelle La guerre et la paix, Pablo Picasso, Vallauris

Le musée national Pablo Picasso La Guerre et La Paix, Vallauris

En 1952, à Vallauris, Picasso réalise une peinture - La Guerre et la Paix - de très grandes dimensions. Cette œuvre conserve une dimension indéniablement allégorique.

L' œuvre de Picasso est installée dans la chapelle du château de Vallauris en 1959.

  • Musée du message biblique, Marc Chagall, Nice

musée national Marc Chagall

En 1966, Marc Chagall fait don à la France des grands tableaux qui constituent le « Message Biblique ». C’est sur la colline de Cimiez qu’à l’initiative d’André Malraux le premier musée national consacré à un artiste vivant ouvre ses portes en 1973.

  • Fernand Léger (musée Fernand Léger de Biot)

Durant son exil aux Etats-Unis entre 1940 et 1945, Fernand Léger sympathise avec le père dominicain Couturier. En moins de 10 ans, Fernand Léger est sollicité à 4 reprises sur des thèmes religieux. Fort du succès de ses commandes en France, Léger accepte également de décorer les cryptes du mémorial américain du Mardasson à Bastogne dans les Ardennes belges et les vitraux de l'église Saint-Germain d'Auxerre à Courfaivre dans le Jura suisse.

Musée national Fernand Léger à Biot

Fernand Léger (1881-1955) est un artiste qui a été le chantre de la machine, celui qui a le plus exalté le développement industriel, source d'une esthétique nouvelle et garant de lendemains qui chantent. Cinquante ans durant, Léger n'a cessé de promouvoir l’utopie.
Le musée national Fernand Léger de Biot présente ses œuvres dans un bâtiment intégrant ses créations de mosaïques-céramiques, un vitrail d’après un de ses dessins, des centaines d’œuvres : peintures, dessins, céramiques, bronzes et tapisseries, dans un parc arboré dominant complanté de pins, de cyprès et d’oliviers.

  • Église Sainte-Jeanne-d ‘Arc, avenue saint Lambert, Nice
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En 1926, conçue par l'architecte Jacques Droz assisté de Lebel, C’est un édifice influencé par l'Art Nouveau, aux lignes futuristes.

Elle propose un volume tout en rondeurs constituée de trois grandes coupoles et de huit autres de taille plus réduite.

Le clocher s’oppose formellement par des angles aigus.

L'église est classée Monument Historique 1992, labellisée Patrimoine du XXe siècle depuis le 2001.

 

  • Église Notre-Dame-Auxiliatrice, place Don Bosco, Nice
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1924-1933. Architecte Jules Febvre et Eugène Doucet.

Première église implantée sur le sol français par les Salésiens, congrégation religieuse à vocation pédagogique fondée à Turin en 1859 par Don Bosco. Inscrite au titre des monuments historiques en 2001. Elle est la propriété de la Fondation Don Bosco.
Son style est dans l’influence d’Auguste Perret, moderne par le choix du béton armé, aux références coloniales (palmiers plantés devant la façade), et niçoise (décors dans la façade). Sa structure légère constituée de supports octogonaux et de claustra.
A l’intérieur  le décor est abondant et fait de vitraux, de verrières colorées, et de fresques du peintre Eugène Doucet.

  • Église du Sacré-Cœur, rue Directeur Chaudon, Antibes
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1969-1972, architecte Maurice Haury, label patrimoine XXe

L'église s'organise sur trois niveaux. Les chapelles en demi sous-sol, au niveau supérieur la nef principale en amphithéâtre autour du maître-autel.

Ce sont deux volumes de hauteur différente couverts par deux voiles en béton inclinés dans un mouvement ascendant vers le clocher, un grand vitrail éclaire la nef.

 

  • Monument aux morts de Rauba-Capeù, Nice
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1924-1927, architecte Roger Séassal, label Patrimoine du XXe siècle en 2003, inscrit aux monuments historiques en 2010.

Le monument mesure 23 mètres de hauteur. L'urne, aménagée dans une niche cintrée, contient les 3 665 plaques des Niçois morts au cours de la Première Guerre mondiale. Le monument comporte deux hauts reliefs sculptés par Alfred Janniot d’un style Art Déco : celui de gauche est basé sur le thème de la guerre et celui de droite sur le thème de la paix.

 

  • Chapelle Saint-Martin, Peille
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1951-1952, architecte Georges Buzzi, label Patrimoine du XXe siècle en 2007.

Située dans le hameau de Saint-Martin, l’architecture mêle les styles brutalisme et futurisme. Le volume d'ensemble est la combinaison de deux formes : la nef et sa toiture terrasse qui forme un auvent en porte à faux de forme semi-circulaire en béton brut et un clocher en pierre du pays, dominé par une flèche évidée en béton, dont chaque face est en forme de croix.

 

  • Notre-Dame-des-neiges, Péone-Valberg
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1937 puis 1945-1948, architecte Maurice Labbé.

Trois corps de construction sont édifiés: le corps central à la toiture plus haute et plus large, les toitures asymétriques à double pente en mélèze, soutenues par d'épaisses poutres en bois. Le toit forme un porche à la charpente visible, avec une fresque peinte par le peintre Jean Cassarini.

Les techniques de construction sont simples et le choix des matériaux est local : moellons de pierre du pays et agglomérés de ciment, pierre de taille, des façades en enduit.  A l'intérieur, le décor peint est l'œuvre de l'atelier d'art sacré de Notre-Dame des Neiges, de la peintre Geneviève Mangin.

 

  • Chapelle Saint Bernard, Fondation Maeght, Saint-Paul-de-Vence 

Architecte Josep Lluis Sert, vitrail de Georges Braque, Chemin de croix de Raoul Hubac ,1961-1963)

La chapelle Saint Bernard a été construite par Josep Lluis Sert sur l'emplacement d’un ancien sanctuaire dédié à saint Bernard.

Les sculptures romanes (XIIe et XIIIe siècles) proviennent de fouilles menées dans le sud-ouest de la France. Le Christ en bois polychrome du XIIe siècle est d'origine espagnole et a été offert par le couturier Christóbal Balenciaga à la Fondation Marguerite et Aimé Maeght.

Toutes les autres œuvres ont été crées spécialement pour cette chapelle et donnée à la fondation par Aimé Maeght, en collaboration avec les artistes.

A l'intérieur de la chapelle, s'aligne sur les murs blanchis le Chemin de croix de Raoul Hubac (1961-1963). Quatorze stations autour du thème de la Passion du Christ dont chacune signifie un moment depuis la condamnation jusqu'a la mise au tobeau - le visage du Christ n'y est jamais visible. Le Chemin de croix est réalisé en ardoise.

La Fondation Maeght

La fondation Marguerite et Aimé Maeght est une fondation privée dédiée à l’art moderne et l’art contemporain située à Saint-Paul-de-Vence. Inaugurée en 1964 par André Malraux, alors ministre des affaires culturelles, la fondation est un ensemble architectural unique, conçu pour présenter l’art moderne et contemporain sous toutes ses formes. L’édifice a été labellisé Patrimoine du XXe siècle par le Ministère de la Culture. 

  • Chapelle Notre-Dame de France et ses vitraux, Col de Villefranche-sur-Mer
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L’édifice combine une structure moderne en béton armé avec une architecture aux accents traditionnels.

L’intérieur est illuminé de vitraux réalisés par Jean Hemery.

 

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